bien pénible. Il veut qu’on fasse des pèlerinages : en un mot, vous n’avez qu’à considérer les quarante aphorismes de sa morale[1], vous y trouverez tout ce qui oppose le plus à la corruption du cœur ; le précepte de la patience dans l’adversité, celui de ne point médire de son prochain, celui d’être charitable, celui de renoncer à la vanité, celui de ne faire tort à personne, et enfin celui qui est l’abrégé de la loi et des prophètes [2], faites à votre prochain ce que vous voudriez qui vous fût fait [3].
C’est donc se faire illusion que de prétendre que la loi de Mahomet ne s’établit avec tant de promptitude, et tant d’étendue, que parce qu’elle ôtait à l’homme le joug des bonnes œuvres et des observances pénibles, et qu’elle lui permettait les mauvaises mœurs. Si je ne me trompe, les seules choses en quoi elle lâche le nœud que l’Évangile a serré, sont le mariage et la vengeance ; car elle permet la polygamie, et de rendre le mal pour le mal : mais les juifs et les païens n’y gagnaient guère ; ils étaient en possession d’un usage qui ne les gênait pas beaucoup à cet égard. Hottinger[4] nous donne une longue liste des aphorismes moraux, ou des apophthegmes des mahométans. On peut dire sans flatter cette religion, que les plus excellens préceptes qu’on puisse donner à l’homme pour la pratique de la vertu, et pour la fuite du vice, sont contenus dans ces aphorismes. Hottinger ne fait point difficulté de relever cette morale au-dessus de celle de plusieurs moines[5]. M. Simon n’a point parlé moins avantageusement de la religion mahométane, par rapport à la morale. Elle consiste, dit-il [6], à faire le bien, et éviter le mal : c’est ce qui fait qu’ils examinent avec soin les vertus et les vices, et leurs casuistes ne sont pas moins subtils que les nôtres. Après avoir rapporté quelques-uns de leurs principes touchant la nécessité de la foi, et la confiance en Dieu, et l’humilité, et la repentance, etc., il ajoute [7] : Je passe sous silence le reste de leur morale, d’autant que ce que j’en ai rapporte suffit pour montrer quelle elle est ; et je puis assurer, qu’elle n’est point si relâchée que celle de quelques casuistes de notre siècle. J’ajouterai seulement qu’ils ont quantité de beaux préceptes touchant les devoirs des particuliers envers leur prochain, où ils donnent même des règles de la civilité. Ils ont aussi écrit de la manière dont on se doit comporter envers son prince ; et une de leurs maximes est, qu’il n’est jamais permis de le tuer, ni même d’en dire du mal sous prétexte qu’il est un tyran.
(M)....... Et parce qu’il promettait aux hommes un paradis sensuel. ] faut convenir que cette promesse pouvait être un leurre pour les païens, qui n’avaient que des idées confuses du bonheur de l’autre vie : mais je ne sais si elle était propre à tenter les juifs, et je ne crois pas qu’elle ait pu rien opérer sur les chrétiens ; et cependant combien y eut-il de chrétiens que ce faux prophète fit tomber dans l’apostasie ? Je veux qu’il faille prendre à la lettre ce qu’il disait des voluptés de son paradis, que chacun y aurait la force de cent hommes pour se satisfaire entièrement avec les femmes, aussi bien que pour boire et pour manger[8] : cela ne balancerait point l’idée que l’Écriture nous donne du bonheur de l’autre vie ; car elle en parle[9] comme d’un état dont les délices surpassent tout ce que les yeux ont vu, tout ce que les oreilles ont ouï, et tout ce qui peut monter au cœur de l’homme. Dès qu’on ajoute foi à l’Écriture, on se représente le bon-
- ↑ Vous les trouverez dans Hottinger, ibid., pag. 248 et seq.
- ↑ Évangile de saint Matthieu, chap. VII, vs. 12.
- ↑ Si tandem feceris alii quicquid gratum esset, si tibi fieret. Hottinger., Histor. orient., pag. 250.
- ↑ Hottinger., ubi suprà, pag. 315 et seq.
- ↑ Ipsi judicent adversarii ex illis quæ ex Arabum nunc monumentis afferemus, nonne majus sæpè et virtutum studium et vitiorum odium præ se ferant Muhammedani, quàm pontificiorum plerique religiosi. Idem, p. 314.
- ↑ Histoire critique du Levant, pag. 173.
- ↑ Là même, pag. 175, 176.
- ↑ Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, tom. III, pag. 14. Voyez les remarques (Q) et (II).
- ↑ Le Corinth., chap. II, vs. 9.