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MAHOMET.

parler de lui pendant sa vie, et qui est devenu l’idole de tant de peuples après sa mort ?

(C) ..... ni sur l’état de sa famille. ] Une infinité d’auteurs ont écrit que ce faux prophète était d’une basse naissance, et que son père était païen, et sa mère juive. Mahometis Arabis vitam qui descripserunt multi fuerunt qui etsi non uno modo illius res tradunt, in eo tamen conveniunt omnes quòd eum è plebeio vilique genere ortum pauperibus parentibus, patre Ethnico, matre Judæâ affirmant [1]. M. Moréri a suivi ce sentiment, qui est peu conforme aux auteurs arabes : ils ne prétendent pas que le père de Mahomet fût riche : mas ils soutiennent qu’il était de grande naissance, et que la tribu de Koréischites, à laquelle il appartenait, surpassait en rang et en dignité toutes les autres tribus arabes[2]. Ibn Calican, auteur arabe, dit expressément qu’Émine était de cette tribu, et cela est fort vraisemblable, vu que les Arabes gardent encore aujourd’hui fort exactement la coutume de se marier avec des femmes de leur tribu[3].

(D) Chadighé devint amoureuse de Mahomet..... et l’épousa. ] Quelques-uns disent qu’il se servit de sortiléges pour se faire aimer de cette femme ; mais d’autres prétendent qu’il n’eut besoin que de sa jeunesse [4], et de sa vigueur naturelle qui était fort surprenante, comme on le verra ci-dessous. M. Chevreau dit une chose que la plupart des écrivains ne disent pas ; c’est que cette femme était mariée lorsque Mahomet servait chez elle. « Il fut vendu ou confié à Abdimonéphi, le plus riche marchand des Ismaëlites. Outre qu’il rendit à ce marchand d’assez grands services, il donna dans la vue de sa femme Chadijah : et le facteur avait peut-être des qualités qui manquaient au maître. Si l’on s’en rapporte à quelques auteurs, il avait la taille ramassée et médiocre, la tête grosse, le visage brun, la couleur vive, le regard modeste, l’air noble, le corps libre et dégagé, l’abord civil, la conversation insinuante, l’esprit fin et souple ; était éloquent, robuste, et méprisait ordinairement les dangers que craignent les autres[5]. » Voici un passage qui témoigne ce que j’ai dit de ses sortiléges. Tùm verò animi æquè ac corporis dotibus... ornatus, Chadigam heram suam in suî primum convertit amorem (præstigiis illud factum scribit Zonaras [* 1], habitum eum pro mago testantur Richardus in Confusione Alcorani, et non paucæ Acorani Azoaræ) cujus potitus matrimonio [* 2], et cum eâ divitiis amplissimis [* 3], ingentia moliri cæpit, et amplarum regionum imperium tantùm non deglutire[6].

(E) Il fit accroire à sa femme, qu’il ne tombait dans ces convulsions qu’à cause...... de l’ange Gabriel, qui lui venait annoncer...... des choses concernant la religion. ] Il avait quarante ans lorsqu’il commença à s’ériger en prophète, et il voulut que sa femme fût sa première prosélyte. Uxori suæ primum, [* 4] adjutus monachi illius Byzantini operâ, suas persuasit revelationes, Gabrielem angelum à DEO missum secum colloqui fingens ; et de diversis ad religionem spectantibus rebus monere ac instruere, cujus aspectum quod ferre nequiret, se obortâ ex metu vertigine, collabi, et humi procumbere ; hâc autem ratione comitialem morbum quo vexabatur, callidè excusabat [* 5]. Illa verò Chadiga circum cursitare, maritum suum ceu prophetam deprædicare, in eundemque errorem alias gentiles suas pertrahere, pari [* 6]

  1. (*) Tom. 3, pag. 127. b.
  2. (*) Zonaras, l. c. Cedren., p. 347, ad A. 21. Heracl.
  3. (*) Eutrop. coutin. rerum R l. 18, pag. 255.
  4. (*) Zonaras, tom. 3 in Heraclio, p. m. 127. b. Cedren, p. 347.
  5. (*) Cedren., anno 21 Heracl., pag. m. 347, It. Anastasius bibliothecarius et alii ap. Baron., ad A. 630, n. 2.
  6. (*) Cedr. c. 1. Eutrop. contin. rerum Rom. l. 18, pag. 255.
  1. Ludovicus Godofredus, in Archontol. Cosmogr., apud Hotting., Histor. oriental., pag. 136.
  2. Hottinger., ibidem, pag. 137.
  3. Ibidem, pag. 136.
  4. Conférez ce qui a été dit d’Apulée, dans la remarque (I) de son article, tom. III, p. 213
  5. Chevreau, Histoire du monde, liv. V, chap. I, pag. 10 du IIIe. tome, édit. de Hollande, 1687.
  6. Samuel Schultetus, in Ecclesiâ Muhammedanâ, pag. 13, 14. C’est une thèse soutenue à Strasbourg, l’an 1667, sous Dannhawerus