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MAHOMET.

L’une de ces preuves est tirée de ce que les variations de son esprit prophétique répondaient au changement de ses intérêts particuliers (NN). Ce qu’on rapporte de ses amours est assez étrange. Il était jaloux au souverain point, et il ne laissa pas de prendre patience par rapport aux galanteries de celle de ses épouses qui lui était la plus chère (OO). Il ne put jamais se résoudre à la renvoyer, et il fit intervenir les grandes machines de ses révélations, pour faire en sorte que l’on cessât de médire d’elle, et de se scandaliser de son amitié pour une épouse de mauvais bruit. Ses sectateurs crurent enfin qu’elle était honnête, car ils reçurent comme des oracles l’interprétation qu’elle donnait aux paroles de leur loi (PP). Quelques auteurs chrétiens débitent un conte fort ridicule touchant la crédulité des mahométans pour les miracles (QQ). On a blâmé M. Simon de certaines choses qu’il a publiées, qui tendent à exténuer l’infamie du mahométisme[a] : Voyez le dernier chapitre de son Histoire critique de la Créance et des Coutumes des Nations du Levant. Mais s’il a raison quant au fond, il mérite qu’on le loue ; car il ne faut point fomenter la haine du mal en le décrivant plus noir et plus haïssable qu’il ne l’est effectivement.

  1. Voyez Difficultés proposées à mons. Steyaert, VIe. partie, depuis la page 303 jusques à la pag. 316.

(A) Sa religion eut bientôt, et a encore une très-grande étendue. ] Il ne faut pas croire ceux qui disent qu’elle occupe la moitié du monde ou plus[1] : il suffit de dire que si nous divisons les régions connues de la terre en trente parties égales, celle des chrétiens sera comme cinq, celle des mahométans comme six, et celle des païens comme dix-neuf[2]. Ainsi la mahométane est beaucoup plus étendue que la chrétienne ; car elle la surpasse de la trentième partie du monde connu : or cette trentième partie est un pays bien considérable.

(B) On n’est point d’accord sur l’année de sa naissance. ] Il naquit, selon quelques-uns, l’an 560[3], ou l’an 577[4] : selon d’autres, l’an 580 [5], ou l’an 593[6], ou l’an 600[7], ou l’an 620[8]. Mais l’opinion la plus vraisemblable est celle qui le fait naître l’an 571, ou l’an 572. C’est l’opinion d’Elmacin : vous voyez que même en ne s’attachant qu’à un seul auteur, on n’évite pas les variétés. Elmacin, si nous en croyons Hottinger [9], met la naissance de Mahomet à l’an 571 ; mais si nous en croyons Reiskius, il la met à l’an 572. Cùm nativitas Muhammedis inter arabes et christianos historicos valdè sit controversa, ex omnibus Elmacinum se sequi profitetur Reiskius, tanquàm antiquum in historiâ saracenicâ scripturem, et ex seculo post N. C. septimo superstitem. Emergit verò sic annus nativitatis post N. C. 572, diesque 22 mensis Nisan, h. e. aprilis. C’est ainsi que parlent les journalistes de Leipsic[10], dans l’extrait du Chronicon Saracenicum et Turcicum Wolfgangi Drechsleri, imprimé pour la première fois l’an 1550, et en dernier lieu à Leipsic, l’an 1689. N’est-ce pas une honte à l’homme, que l’on ait si mal observé l’année où naquit un faux prophète qui fit tant

  1. Postel, in præfat. Grammat. Arabicæ. Ludovicus Regius, de Vicissitud. Rerum, lib. VIII, in fine, cités par Brérewood, Recherches sur la Diversité des langues, chap. XIV, p. 203.
  2. Brérewood, là même.
  3. Freherus, in Chronologiâ ad Jus Græco-Romanum Leunclavii.
  4. Pfeiffer, ubi infrà, citation (28), p. 267.
  5. Erpenius, Orat. II de Ling. arabicâ, pag. 42, apud Hottinger., Historia oriental., p 145.
  6. Scindlerus, in Lexico, apud Hoornb. Summa Controv., pag. m. 76.
  7. Vide Genebr. Chronol.
  8. Joh. Andreas, in Confusione Sectæ Muhammedicæ, apud Hotting., Historia oriental., pag. 145.
  9. Histor. orient., pag. 145.
  10. Acta Eruditor. Lips., 1689, pag. 377.