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MAHOMET.

nie qu’Abdalla son père, et Émina sa mère ne fussent pauvres. Abdala mourut deux mois avant la naissance de Mahomet[a]. Émina le suivit au bout de six ans, et Abdolmutleb, père d’Abdalla, mourut deux ans après elle. Il fallut que cet enfant fût élevé par Abutaleb, son oncle. Abutaleb et sa femme furent fort contens de la conduite de leur neveu[b] ; mais n’ayant pas assez de bien pour le marier, ils trouvèrent à propos de le placer au service d’une femme qui envoyait des marchandises dans la Syrie. Cette femme, nommée Chadighé, devint amoureuse de Mahomet son voiturier, ou le conducteur de ses chameaux, et l’épousa (D). Il avait alors vingt-cinq ans. Il eut de cette femme trois fils qui moururent fort jeunes, et quatre filles qui furent bien mariées[c]. Comme il était sujet au mal caduc, et qu’il voulut cacher à sa femme cette infirmité, il lui fit accroire qu’il ne tombait dans ces convulsions, qu’à cause qu’il ne pouvait soutenir la vue de l’ange Gabriel, qui lui venait annoncer de la part de Dieu plusieurs choses concernant la religion (E). Chadighé, ou trompée ou feignant de l’être, s’en allait dire de maison en maison que son mari était prophète, et par ce moyen elle tâchait de lui procurer des sectateurs[d]. Son valet et quelques autres personnes qu’il suborna, travaillèrent à la même chose ; et cela avec tant de succès, que les magistrats de la Mecque craignirent une sédition. Afin donc de prévenir les désordres que la naissance d’une secte a coutume de produire, ils résolurent de se défaire de Mahomet. Il en fut averti, et il prit la fuite. Le temps de cette évasion est l’époque des mahométans (F), et c’est de là qu’ils comptent les années de l’Hégire. Il se retira à Médine, accompagné de peu de gens ; mais il y fut joint bientôt après par plusieurs de ses disciples. Il ne tarda guère à faire éclater le dessein qu’il avait pris d’établir sa religion par les armes. Il donna son grand étendard à son oncle Hamza, et l’envoya en parti avec trente hommes[e]. Cette première tentative n’eut aucun succès. La seconde fut très-heureuse : il chargea avec 319 hommes une caravane d’environ mille Koréischites, et la battit. Le butin fut considérable. Il perdit quatorze hommes, qui ont été honorablement placés au martyrologe mahométan (G). Après plusieurs combats bien plus importans, il se rendit maître de la Mecque, l’an 8 de l’Hégire[f]. Il mourut trois ans après à Médine, à l’âge de soixante-trois ans, selon quelques historiens[g]. Il n’est pas aisé de savoir le vrai détail de ses actions ; car si les écrivains de sa secte ont inventé mille fables pour l’honorer, il n’y a point d’apparence que ses adversaires aient fait scru-

  1. Elmacin. apud Hottinger. Historiæ oriental., lib. II, cap. I, pag. 205.
  2. Abunazarus, pag. 161, apud Hottinger., ibid.
  3. Idem, apud eumdem Hottingerum. Ibid., pag. 210
  4. Voyez la remarque (E).
  5. Hottinger. Histor. oriental. pag. 269, ex Elmacino.
  6. Idem, pag. 271.
  7. Idem, ibid. pag. 273, ex Elmacino et Patricide.