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MUSURUS.

lui écrivant la mort de Musurus, se sert de ces paroles : Marcus Musurus qui paulò antè [1] Monovasiensis archiepiscopus esse cœperat, hoc autumno Romæ agens in communem abiit locum. Lorenzo Crasso [2], qui n’a presque rien su touchant Musurus que ce qu’il en avait lu dans Paul Jove, a pris archiepiscopus Epidaurensis, pour archevéque de Raguse : bien d’autres y ont été attrapés comme lui. 7°. Il y eut si peu de temps entre la nomination de Musurus à l’archevêché de Malvasia, et la promotion des trente et un cardinaux, que tout ce que M. Varillas lui fait faire dans cet intervalle, toutes ces brigues, toutes ces mesures pour parvenir au cardinalat, ne peuvent être qu’un pur roman. Au reste, Musurus n’aurait pas été le dernier qui se serait plaint du peu d’égard qu’on avait à Rome pour la nation grecque, quand on faisait une promotion de cardinaux. Nous avons vu [3] qu’Arsénius fit cette plainte à Paul III. 8°. Le passage que je cite [4] convainc M. Varillas d’avoir mal représenté la plainte que faisait Musurus. Je tombe d’accord qu’un historien peut représenter les gens selon ce qu’ils pensent, encore qu’ils ne le disent pas : mais cela demande deux conditions ; l’une, qu’il soit manifeste, ou tout-à-fait vraisemblable qu’ils pensent une telle chose ; l’autre, que l’on avertisse qu’ils ne disent pas cette chose, mais qu’ils font assez connaître qu’ils la pensent. M. Varillas n’a point observé la dernière de ces conditions : il représente Musurus, non pas comme se plaignant au fond de l’âme, mais comme se plaignant de vive voix, et en propres termes, que la nation grecque avait été méprisée en sa personne. Ce n’est point ainsi qu’il se plaignait : il se contentait de dire que d’avoir créé dans un seul jour plus de trente cardinaux, sans y avoir compris aucun Grec, était un affront à la nation. Il n’y a rien là selon les paroles qui concerne la personne de Musurus ; les expressions peuvent recevoir ce sens, que si quelque Grec avait eu part à la promotion, Musurus n’eût pas fait de plaintes de ce qu’on l’aurait oublié. On voit bien, me dira-t-on, quelle est sa pensée. Je l’avoue : il fallait donc dire qu’il pensait cela, et non pas qu’il le disait.

(E) ... Et sur l’abrégé qu’on en donne dans le Supplément de Moréri. ] Je n’ai rien à dire là-dessus, si ce n’est que l’auteur du Supplément n’a rectifié en quoi que ce soit les Anecdotes de M. Varillas.

(F) Il n’a pas été oublié dans la liste des savans malheureux. ] Voici les paroles de Piérius Valérianus : Neque Marci Musuri sortem quisquam lætam dixerit, qui licet et Patavii, et Venetiis apud nobilitatem vestram summâ omnium commendatione, et gratiâ complures annos græcas litteras docuisset, et doctrinæ nomine ab Leone Decimo pontifice Maximo duplici flaminis honore decoratus, à Julio ejus pontificis fratre tunc cardinali sacerdote, qui nunc est summus pontifex, in amicitiam susceptus magnâ omnium dilectione coleretur, nescio quâ tamen animi mœstitiâ clâm exulceratus, ut qui non modo non dignitatem ullam, aut beneficii commodum in eo vitæ colore duceret, qui hominum opinione judicatur amplissimus, sed sibi summâ in libertate versari solito summam etiam deformitatem, et miseriam arbitraretur, in occultum ex eâ curâ incidit morbum, cujus nulli medicorum causâ cognitâ, interque tacitas anxietates, miserrimasque fortunæ suæ deplorationes diutissimè vexatus expiravit [5].

(G) Il ne publia qu’un petit nombre de vers grecs, et quelques préfaces en prose. ] Ces paroles de Gesner me paraissent considérables : Marcus Musurus Cretensis scripsit epigrammata aliquot, præcipuè in Græcos libros per Nicolaum Blastum Venetiis impressos circà annum 1500, quibus ipse opinor corrigendis præfuit : item præfationes aliquas prosâ, ut in etymologicon græcum, etc. [6].

  1. Paul Jove dit dans le même sens : Vix ostentatis mitræ insignibus expirârit.
  2. Istor. de Poeti græci.
  3. Tom. II, pag. 443, citation (1) de l’article Arsénius, Arch. de Monembasiâ.
  4. Quùm sæpè quæreretur græci generis neminem quasi probro gentis lectum fuisse, quandò princeps in donandâ purpurâ maximè liberalis, uno comitiali die suprà triginta nationum omnium delecta capita galero purpureo perornâsset. Jovius, Elog., cap. XXX.
  5. Pier. Val.. de Litt. infelicit., lib. I, p. 11.
  6. Gesner., in Biblioth., folio 495 verso.