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MAGNI.

Je dirai quelque chose d’une réponse qu’il fit à un livre de Coménius (F).

(A) Il s’appliqua..… à la controverse. ] Son Judicium de Acatholicorum regulâ credendi, publié l’an 1628, l’exposa à une longue dispute, parce qu’il fut obligé de répliquer à plusieurs écrits des protestans. J’en parle ailleurs [1].

(B) On prétend qu’il se voulut attribuer l’invention... de Torricelli. ] M. Baillet nous va instruire de cette affaire. « Le père Valérien Magni…. ne s’était avisé de faire l’expérience de Torricelli, qu’après avoir publié à Varsovie son traité de l’Athéisme d’Aristote, qu’il avait dédié [* 1] au père Mersenne ; et l’édition de ce livre était postérieure non-seulement à l’imprimé de M. Pascal, mais encore à la mort de Torricelli. Quoique le père capucin n’eût fait autre chose que répéter l’expérience de Torricelli sans y rien ajouter de nouveau, il ne laissa pas de se l’attribuer, comme si elle lui eût été propre, dans le récit qu’il en fit imprimer l’année suivante, sans reconnaître qu’elle eût été faite en Italie et en France avant lui. L’écrit du père Valérien surprit les connaisseurs qui découvrirent son usurpation : et sa prétention fut repoussée incontinent par M. de Roberval, qui se servit de l’imprimé de M. Pascal comme d’une preuve indubitable contre lui. Il le convainquit de n’avoir même fait son expérience que sur l’énonciation qu’il en avait vue dans l’écrit que M. Pascal en avait fait envoyer en Pologne comme dans le reste de l’Europe : et la lettre latine qu’il lui en écrivit lui ayant été rendue par l’entremise de M. de Noyers, secrétaire des commandemens de la reine de Pologne, ce bon père ne fit point de réponse, et l’on prit son silence pour un désistement de son usurpation [2]. » J’ai un livre de ce capucin, imprimé à Varsovie, l’an 1648 [* 2]. C’est un recueil de Traités Philosophiques dédié à la Sainte-Vierge, de Peripatu ; de Logicâ ; de per se Notis ; de Syllogismo demonstrativo ; Experimenta de incorruptibilitate Aquæ ; de Vitro mirabiliter facto. On y a joint une lettre d’un jésuite, où l’on soutient Experimenta vulgata non vacuum probare, sed plenum et antiperistasim stabilire. Il avait publié à Venise, l’an 1659, Ocularis Demonstratio loci sinè locato, corporis successivè moti in vacuo, et luminis nulli corpori inhærentis ; et à Rome, l’an 1642 de Luce mentium et ejus Imagine.

(C) L’usage que l’on a fait de l’une de ses pensées dans les Lettres Provinciales. ] Cette pensée est une méthode sûre de pousser à bout les médisans et les calomniateurs, qui cherchent une retraite dans des termes vagues. Ne semble-t-il pas, dit M. Pascal [3], qu’on ne peut convaincre d’imposture un reproche si indéterminé ? Un habile homme néanmoins en a trouvé le secret. C’est un capucin qui s’appelle le père Valérien, de la maison des comtes de Magni. Vous apprendrez par cette petite histoire comment il répondit à vos calomnies. Il avait heureusement réussi à la conversion du landgrave de Darmstadt. Mais vos pères, comme s’ils eussent eu quelque peine de voir convertir un prince souverain sans les y appeler, firent incontinent un livre contre lui, (car vous persécutez les gens de bien partout,) où falsifiant un de ses passages, ils lui imputent une doctrine hérétique. Ils firent aussi courir une lettre contre lui, où ils lui disaient : Oh ! que nous avons de choses à découvrir, sans dire quoi, dont vous serez bien affligé ! car si vous n’y donnez ordre, nous serons obligés d’en avertir le pape et les

  1. (*) La date de l’épître dédic. est du 19 de novembre, l’an 1647.
  2. * Leclerc dit que Wading cite une édition de Milan, 1645. Leclerc en conclut que l’expérience avait été faite par Magni avant le milieu de l’année. C’est peut-être remonter un peu haut. Mais comme c’est en 1647 que Pascal publia son livre, et que, surtout par rapport à Pascal, Leclerc veut prendre la défense de Magni, il fallait bien tirer la conséquence qu’il tire ; mais comme s’il sentait la faiblesse de ses conclusions, il insinue qu’il est probable que le livre de Pascal n’est parvenu en Pologne, où était Magni, que lorsque ce dernier avait fait son expérience.
  1. À la fin de la Dissertation sur Junius Brutus, à la fin de cet ouvrage.
  2. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 329, à l’an 1647.
  3. Pascal, XVe. lettre provinciale, p. m. 252.