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MUSSO.

dispositions à devenir grand prédicateur. ] Après avoir entendu un sermon il le savait tout entier, et il le pouvait réciter si couramment, qu’on eût dit qu’il l’avait fait. On avait raison d’admirer cela. Si scopì di spirito cosi gentile, e dotato di memoria cosi eccellente, ch’ era di gran maraviglia, e di stupore à tutti, intanto che stando egli ad udir le prediche che si facevano tal’ hora nella chiesa, le apprendeva cosi bene, e le recitava poi con prontezza tale che pareano veramente cose sue [1]. Quand on lui faisait réciter de tels sermons, il imitait parfaitement les manières et les gestes du prédicateur. On en fit l’expérience plus d’une fois devant le prédicateur ordinaire des cordeliers conventuels, qui fut bien surpris de se voir si bien copié. Questo commosse di modo il figliuolo, che oltre il farle vedere più volte isperienza delle sue prediche, ch’ egli recitava in refettorio, l’imitava talmente con i movimenti e co’ gesti, che parea fusse stato nel predicar assiduamente ammaestrato ed essercitato da lui [2]. Il état facile à un tel jeune homme de devenir bon orateur. Il n’avait qu’à se proposer pour modèle l’action d’un grand maître. Notez que Musso avait le talent de discourir sans beaucoup de préparation. Une oraison funèbre, le panégyrique d’un saint, lui coûtaient fort peu de temps : c’était à lui que ses supérieurs s’adressaient pour des impromptu dans ce genre quand on en avait besoin [3].

(C) Tout petit et décharné qu’il était. ] La première fois qu’on le vit en chaire à Venise, on n’attendit rien de sa petite figure ; mais on se désabusa après qu’il eut fait entendre sa voix. Quivi invitati li primi senatori di Vinegia, lo fece salire in pulpito, ove veduto da loro cost giovanetto, di picciola statura, languido ed estenuato nell’ aspetto, ogn’ uno fra se stesso faceva giudicio ch’ egli non havesse nè scienza, nè forze, per negocio tale : maudita ch’ hebbero la voce, e che furono sentiti à suoi alti concetti, con quella singular’ attione naturale datagli da Dio, tutti alt’ hora l’esaltarono [4]. Il y a des prédicateurs qu’on peut comparer au rossignol : maigres et petits ils ont la voix si sonore, et ils font retentir si fortement toutes les voûtes d’un temple, qu’on jugerait à les entendre sans les voir qu’ils ont une taille gigantesque. Regardez-les, vous tombez dans la surprise de celui qui put comparer enfin la politesse des rossignols avec la force de leur chant. Il y a, si je ne me trompe, une fable sur cela ; et je me souviens de la remarque de ce Lacédémonien qui, ayant plumé un rossignol, le définit une chose qui n’était que voix [5]. Que la bonne mine est un favorable précurseur pour celui qui parle en public ! elle dispose l’assemblée à bien écouter, elle ébranle les suffrages avant qu’il ouvre la bouche. Il n’a pas besoin de la moitié de l’éloquence qui est nécessaire à un prédicateur de petite mine, pour remporter l’applaudissement. Ceci est un grand éloge de l’action et des pensées de notre Musso. Il n’a donc pas été inutile de faire cette remarque. Il faut savoir qu’on le nomma le Chrysostome des Italiens, comme le remarque M. Drelincourt [6].

(D) Paul III l’envoya au concile, pour y être l’un des savans, qui disputeraient sur les matières. ] Rassemblons ici ce que fit Musso dans le concile de Trente. Il fut l’un des plus diligens à y aller : les légats ne trouvèrent à Trente que le seul évêque de Cava, mais ils furent bientôt suivis par Thomas Campeggio, évêque de Feltro, et par Cornélio Musso [7]. Celui-ci prêcha en latin à l’ouverture du concile [8]. Son sermon, dont vous trouverez le précis dans le père Paul [9], fut critique [10], Palavi-

  1. Giuseppe Musso, nella Vita di Corn. Musso.
  2. Ibidem.
  3. Hinc factum ut funebribus cujuspiam encomiis inopinato dicendis, vel sanctorum facta statis diebus præpropero patrum suorum monitu celebrandis præter Mussum sufficeret nemo. Imperialis, in Museo Histor., pag. 68.
  4. Giuseppe Musso, nella Vita di Corn. Musso.
  5. Plut., in Laconicis Apophth., pag. 233, A.
  6. Drelincourt, Demandes à l’évêque de Belley, pag. m. 37. Il cite un sermon de l’évêque de Bitonte, sur le Magnificat, où le prédicateur invoque la Vierge par ces paroles de Térence : Lucina, Lucina fer opem.
  7. Palavicin, Isto. del Concilio, lib. V, cap. VIII, num. 9, ad ann. 1545.
  8. Idem, ibidem, cap. XVII, num. 9.
  9. Fra-Paolo, Hist. du Concile de Trente, liv. II, pag. m. 121, à l’ann. 1545.
  10. Là même, pag. 122.