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MUSSO.

au berceau, que de le voir prédicateur ; et comme si les pères, d’une jeune fille même, eussent demandé soigneusement à celui qui la recherchait en mariage, voulez-vous être ministre ? enfin comme si, pour n’être pas refusé dans la recherche d’une fille, il eût fallu protester avec serment qu’on ne se consacrerait jamais au ministère de la parole de Dieu. Les ennemis des protestans n’ont pas manqué de se prévaloir de ces exagérations [1]. Au pis aller, l’on peut dire véritablement que les protestans de France n’ont point donné lieu à un tel reproche : ils ont eu toujours la très-bonne et la très-louable coutume d’honorer et de respecter leurs pasteurs : et il est certain que ceux qui étaient dans le ministère évangélique, se mariaient plus avantageusement, que s’ils eussent été laïques.

  1. Voyez l’Hypocrisis Marci Antonii de Dominis detecta, auctore Fideli Annoso Verementano Theologo, pag. 87, où l’on rapporte le passage d’André Musculus. Voyez aussi Justus Calvinus, in Analysi Tertulliani de Præscript. advers. Hæret., cap. XLI, num. 5, pag. m. 132 ; et Silvestre Petra Sancta, Not. in epist. Molinæi ad Balsacium, cap. I, où ils parlent du mépris des ministres.

MUSSO (Cornélio), évêque de Bitonto, l’un des plus grands prédicateurs de son siècle, naquit à Plaisance en Italie, au mois d’avril 1511. Il embrassa la religion de saint François afin d’accomplir un vœu de sa mère (A), et dès l’âge de neuf ans il entra au monastère des conventuels de Plaisance. La vivacité de son esprit, la force de sa mémoire, ses dispositions à devenir grand prédicateur (B) obligèrent le père Jacques Rosa de Candazzo à le prendre pour disciple. Il le mena à Carpi, et en d’autres lieux, et le fit étudier sous de bons maîtres. Le jeune homme apprit très-bien les humanités, et prêcha si éloquemment qu’il s’acquit bientôt beaucoup de réputation, et l’amitié de Leonello Pio de Carpi [a] qui l’envoya à Venise avec des lettres de recommandation pour lui donner lieu de prêcher devant le sénat, et d’obtenir une place dans les études de Padoue. Cette affaire fut heureuse. Cornélio Musso, tout petit et décharné qu’il était (C), se fit admirer par ses sermons, et Pierre Zéno, Louis et Jacques Cornaro, le favorisèrent si ardemment qu’ils lui procurèrent un poste honorable dans le couvent des franciscains de Padoue, où, sans négliger l’art oratoire, il s’appliqua à l’étude de la philosophie sous le célèbre Zimara, et à celle de la théologie sous le père Simonetta. Il prit le degré de bachelier, et fit des leçons et des disputes, qui le firent passer pour un esprit rare. Il prêcha un carême dans Padoue avec de grands applaudissemens : il soutint des thèses pendant plusieurs jours, et enfin il fut promu au doctorat en théologie comme à une récompense de son mérite. Pierre Bembo, qui fut depuis cardinal, l’honora de son amitié et lui donna de bons conseils sur la rhétorique, et sur le style latin et toscan. Lampridius [b] l’instruisit en la langue grecque, d’autres dans l’hébreu et le chaldéen, pour l’intelligence du texte de l’Écriture. Il fut nommé pour prêcher tout un carême dans le couvent de son ordre à Venise. Il fit la même fonction dans les chaires les plus illustres d’Italie, et nommément à Milan où il

  1. Il avait un fils qui fut cardinal.
  2. Lampridio Maestro in quei tempi delli illustrissimi signori Gonzaghi Giuseppo Musso, nella Vita di Cornelio, ubi infrà, citation (h).