Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
572
MOTTE-AIGRON.

à-fait passée, je ne ferai point difficulté de rapporter cette épigramme. La voici donc :

Objet du mépris de Goulu,
Que ton insolence est publique,
Depuis que ton père est élu,
Et qu’il a fermé sa boutique !
Mais bien que cette qualité,
Si l’on en croit ta vanité,
N’en trouve point qui la seconde :
Il n’en est pourtant pas ainsi :
C’est un beau titre en l’autre monde ;
Mais on s’en moque en celui-ci.


Depuis la composition de cet article, il m’est tombé entre les mains un ouvrage [1] où ces vers se trouvent.

(C) Je n’ai pu déterrer ce que devint notre auteur. ] J’ai seulement su par une lettre de Balzac, datée du 29 de juillet 1634 [2], que la Motte-Aigron s’était marié à la Rochelle ; qu’il avait quelque charge de police, et qu’il y avait eu quelque brouillerie entre eux deux. Le Ménagiana [3] nous apprend qu’il fut conseiller au présidial de la Rochelle.

(D) Balzac voulait que l’on crût qu’il était l’auteur véritable de l’ouvrage qui paraîtrait sous le nom de de Motte-Aigron. ] Vous verrez le détail de tout ceci dans ces paroles de Javersac [4] : « Cela n’empêcha pas que je ne me sentisse grandement offensé de sa requête et de son procédé : ce que toutefois je trouvai moins étrange, après avoir considéré de quelle sorte il avait traité M. de la Motte-Aigron, que les plus étroits liens dont la nature unit les volontés de deux frères avaient toujours attaché à sa fortune. Les obligations où l’avaient mis cent bons offices, que son aimable franchise lui a rendus depuis l’innocence de ses premières actions jusques à cette heure, ne lui ont point été si considérables que sa propre vanité. Après qu’ils eurent partagé leurs desseins, pour écrire contre Phyllarque, et que Balzac eut pris le plus de champ, et le plus de matière, comme plus stérile et intéressé que l’autre, il ne se contenta pas d’avoir plus d’une année de temps et de liberté, pour avancer son œuvre, tandis que son ami était esclave de ses juges à la poursuite d’un arrêt que la justice lui a rendu honorable. Il a voulu par plusieurs raisons faire supprimer le livre qu’un honnête loisir, après sa paix, lui avait permis de mettre déjà sous la presse. Il fait bien, pour se conserver la qualité de seul éloquent, d’empêcher qu’il n’y ait que lui qui écrive, afin que pour être sans pareil, on ne trouve personne à qui l’accomparer. Je crois qu’il n’en ferait pas moins que ce subtil ingénieux des poëtes, qui faisait mourir les plus capables de ses disciples, de peur qu’ils l’excellassent en son art. Il est si envieux de la gloire de ses amis mêmes, qu’il n’a jamais bien confessé que le sieur de la Motte-Aigron ait fait la préface de ses lettres, ne voulant point avoir de gloire à partager avec personne : et aujourd’hui même je suis certain que d’une ingrate et vaine imposture, il a voulu persuader obliquement que ce livre qui est attendu ne connaîtrait M. de la Motte que pour parrain, après l’avoir nommé, mais qu’il en était le véritable père ; ce que je sais être d’autant plus faux qu’il est très-véritable que le sieur de la Motte a séparé tous ses intérêts d’avec ceux de Balzac, faisant gloire d’en être désobligé, pour avoir une raison à le fuir, et pour profiter de l’exemple de son apologiste [5], dont il a gâté le nom, qu’on estimait beaucoup plus que le sien même. » La préface du sieur de la Motte-Aigron peut servir de quelque preuve à ce narré-là ; car voici de quelle manière elle commence. L’avis qui m’est venu de divers endroits que, quoique ce livre ne soit pas fort bon, quelques-uns pourtant lui voulaient donner un maître à leur fantaisie, m’oblige de vous avertir que cette aventure est toute mienne, et qu’il n’y a point ici de Roger qui combatte sous les armes de Léon. Certes, bien que je ne puisse

  1. Ménagiana, pag. 132 de la première édition de Hollande.
  2. C’est la XXXIXe. du VIe. livre, édition in-folio.
  3. Pag. 131.
  4. Javersac, Discours d’Aristarque à Calidoxe. pag. 158 et suiv.
  5. Voyez la remarque (D) de l’article Balzac, tom. III.