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MAGIUS.

Manlius, médecin de l’ambassadeur de l’empereur. Je donne la liste des livres qu’il avait publiés avant que d’aller en Chypre (E).

(A) Il était né à Anghiari dans la Toscane. ] En latin, on nomme cette ville Anglara, et il ne faut pas la confondre avec celle qu’on nomme en latin Angleria ou Anglaria, ou en italien Angiera, et qui est dans le Milanais, sur le lac Majeur. C’est à tort que M. de Thou [1], Swert, Aubert-le-Mire, Quenstedt, et plusieurs autres, ont donné cette dernière ville pour patrie à Magius ; car il nous apprend lui-même qu’il était d’Anghiari dans la Toscane. M. Trichet du Fresne a rapporté deux passages qui sont si formels sur cela, que M. Teissier [2], qui le cite, ne devait pas, ce me semble, laisser ses lecteurs dans l’incertitude où il les laisse par ces paroles : Jérôme Maggi naquit à Anglaria dans le duché de Milan, ou à Anghiari dans la Toscane, suivant quelques-uns. L’un des deux passages allégués par M. Trichet du Fresne est tiré du chapitre II du Ier. livre de muniendis civitatibus ; et l’autre du chapitre IX du IVe. livre des Miscellanées. Il cite aussi le témoignage de Gratiani, qu’il a trouvé au IIIe. livre de Bello Cyprio, page 181. Il aurait pu citer l’endroit des Miscellanées où Magius nomme la Toscane, nostram Hetruriam. C’est au chapitre XX du Ier. livre.

(B) Il employait à composer des livres une bonne partie de la nuit. ] Il composa dans sa prison un Traité des Cloches [3], de Tintinnabulis, et un autre du Chevalet, de Equuleo. Ce qui lui fit choisir ces matières, fut d’un côté qu’il remarqua que les Turcs ne se servaient point de cloches, et de l’autre qu’en roulant dans son esprit diverses sortes de tourmens à quoi sa condition l’exposait, il se souvint que personne n’avait bien expliqué encore ce que c’était que l’Equuleus. Il dédia le premier de ces deux traités à Charles Rym, natif de Gand, ambassadeur de l’empereur à Constantinople, et l’autre à l’ambassadeur de France au même lieu. Jungerman, dans ses notes sur le Traité de Equuleo, croit que cet ambassadeur de France était François de Noailles, évêque d’Ax. M. du Fresne Trichet le croit aussi. Voyez son éloge de Magius, au commencement du Traité de Equuleo, à l’édition d’Amsterdam. Ces deux traités de Magius ne sont sortis de dessous la presse que plusieurs années après sa mort. Le manuscrit de celui de Tintinnabulis fut donné par Philibert Rym aux jésuites, qui le laissèrent imprimer avec des notes de François Swertius, à Hanau, l’an 1608 [4]. L’année d’après on imprima au même lieu, avec des notes de Jungerman, le traité de Equuleo, dont le manuscrit avait été laissé à Arnoul Manlius par Magius même [5]. Ils ont été réimprimés à Amsterdam, l’an 1664 et l’an 1689.

(C) Soit que les ambassadeurs de l’empereur et de France... ne prissent pas assez à cœur ses intérêts, soit que leurs bonnes intentions fussent éludées par la barbarie des Turcs, etc. ] Je crois qu’on fait tort à ces deux ambassadeurs, quand on affirme qu’ils ne firent aucun compte des prières de Magius ; et je ne saurais comprendre comment M. Trichet du Fresne a pu les accuser de surdité à cet égard [6], lui qui, immédiatement après, cite le journal du médecin Manlius, par où l’on apprend que ce qui perdit Magius, fut que, par une ostentation imprudente, on le fit venir au logis de l’ambassadeur, et qu’on le délivra à contre-temps. Imprudenti ambitione in nostram carvassaram ductus..….…. Constantinopoli intempestivè liberatus, strangulari à Mahomete Bassâ in carcere jussus. Il n’y a

  1. Remarquez que M. de Thou la nomme Anglara : ainsi il ne se trompe pas au nom, mais à la position.
  2. Addit. aux Éloges de M. de Thou, tom. I, pag. 481.
  3. J’ai plus de raison de donner le premier rang à celui-ci, que le Journal des Savans, du 4 janvier 1666, de le donner au Traité de Équuleo.
  4. Swert, in Elogio Magii.
  5. Epist Segheti ad Jungerm., et Jungermannus, Not in Tractat. de Equuleo.
  6. Fuit ea fati inclementia et atrocitas, ut legati (dictu pudendum) ejus precibus surdi fuerint, barbarique, immisso in collum laqueo, eum in carcere strangulaverint.