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MORLIN.

qui cùm gregis sui essent, Osiandri sermones audiebant, obscurum non est. Nec sepultura mortuos dignabatur, nec infantes eorum ut baptizaret, adduci potuit [1]. Se peut-il voir une prévention plus énorme que celle-là, et un zèle plus furieux ? Ce qu’il y a d’admirable là-dedans est que le luthéranisme se soit maintenu au milieu de tant de disputes violentes. Il a fait mentir la maxime, Concordiâ res parvæ crescunt, discordiâ maximæ dilabuntur [2]. On en pourrait tirer une preuve d’une protection spéciale de Dieu ; car il semble que, selon le train de choses humaines, ce que Jésus-Christ a dit dans son Évangile, tout royaume divisé contre lui-même sera réduit en désert, et nulle ville ou maison divisée contre soi-même ne subsistera [3], doit être véritable : s’il se trouve donc des cas où cela n’arrive point, il faut que l’on y suppose le doigt de Dieu. Cette manière de raisonner est fort spécieuse et fort probable ; mais remarquons en passant que Jésus-Christ n’a point allégué cette maxime, comme un axiome dont la vérité soit universelle, métaphysiquement parlant : elle n’a qu’une universalité morale ; et je crois même que Jésus-Christ ne s’en servait qu’ad hominem contre les Juifs. L’agrandissement de la république romaine, au milieu des divisions violentes et continuelles qui l’agitaient, n’est pas une exception moins insigne à cette règle générale, que la conservation du luthéranisme parmi les schismes qui le désolaient, et qui fournissaient tant de matière d’insultes, et de conséquences à l’ennemi commun. Revenons à notre Morlin, et rapportons ce que Melchior Adam en dit : Brunsvigæ dùm ecclesiasten agit ; variæ, ut nullum ferè seculum feracius fuit theologicarum rixarum, quàm superius, excitatæ fuerunt, super variis capitibus religionis controversiæ, utpote de necessitate bonorum operum : de libertate voluntatis humanæ : de adiaphoris : de particulâ solâ in enunciatione illâ : Fide justificamur : et de aliis. Harum causa plerisque conventibus actionibusque institutis interfuit Morlinus [4].

(D) Il publia plusieurs livres. ] Melchior Adam en donne ces titres : Psalmorum Davidis Enarratio ; Catechismus Germanicus ; Postilla et explicatio summaria evangeliorum dominicalium ; Refutatio mendacii theologorum Heidelbergensium, de Luthero ; de Vocatione ministrorum, et quatenùs magistratui fas sit eos ab officio removere ; Defensio adversùs accusationem novorum Wittembergensium theologorum : de Peccato originis contrà Manichæorum deliria ; Epistola ad Osiandrum. M. de Seckendorf [5] parle d’un livre publié par notre Morlin, l’an 1565, dans lequel se trouvent au long plusieurs choses que Luther dit en présence de quelques personnes un peu avant sa mort.

(E) Il laissa un fils aussi amateur que lui des disputes théologiques. ] Il s’appelait Marc Jerôme Morlinus. Il s’agrégea à la faction de Wigandus contre Héshusius, dans la dispute de abstracto [6].

(F) On lui proposa une question... touchant l’usage des biens d’église. ] M. de Seckendorf a inséré dans son Histoire du Luthéranisme [7] la question qui fut proposée. On demandait si les revenus destinés à l’entretien des ministres de l’Évangile, et aux écoles, devaient être ôtés à ceux qui combattaient l’Évangile, c’est-à-dire aux moines et au clergé romain [8]. Celui qui faisait cette question, y ajouta les raisons qui le tenaient en suspens. D’un côté, dit-il, ce n’est pas aux ministres de l’Évangile de contraindre personne, et on ne saurait ôter leurs biens aux impies sans se servir de violence. D’autre côté, nous savons que saint Augustin a soutenu, que l’empereur avait eu raison de donner aux orthodoxes les revenus ecclésiastiques des donatistes. Les magistrats sont obligés de

  1. Hosius, de expresso verbo, Dei, apud Prateolum, Elencho Hæret., pag. m. 512.
  2. Sallust., de Bella Jugurth., pag. m. 214.
  3. Évang. de saint Matth., chap. XII, vs. 25.
  4. Melch. Adam., in Vitis Theolog., p. 456.
  5. Seckendorf., Hist. Lutheran., lib. III, pag. 693.
  6. Micrælius, Syntagm. Hist. Eccles., p. 77.
  7. Lib. III, pag. 313, num. 10.
  8. Ei (Morlino) ut moris est, quæstio proposita fuit per ephebum à Luthero conscripta, his verbis, utrum reditus donati ecclesiis ad Evangelii ministros alendos, etc. Ibid.