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MORISON.

la cour du parlement, après avoir fait amende honorable, nu en chemise, la corde au cou et la torche au poing, devant la principale porte de l’église Notre-Dame, où il fut conduit dans un tombereau, fut ensuite mené à la place de Grève, et là attaché à un poteau pour y être brûlé vif, avec son livre intitulé Pensées de Morin, ensemble tous ses écrits et son procès, puis ses cendres jetées au vent, pour punition d’avoir pris la qualité de fils de Dieu ; et ses complices condamnés d’assister à son exécution, puis d’être attachés à la chaîne pour y servir le roi à perpétuité, après avoir été fustigés par la main de l’exécuteur de la haute justice, et avoir été flétris et marqués de fleurs de lys sur les épaules dextre et senestre. C’est ce que nous apprend François Colletet, fils de Guillaume, dans son abrégé des Annales de Paris, imprimé en 1664, in-12, à la page 452. Pour éclaircir davantage ce qui regarde Morin, ajoutons ce qu’on a tiré de la sentence de mort rendue contre lui : il fut condamne dès le 7 mars ; mais l’exécution fut remise jusqu’au 14, afin de le confronter à ses complices et tâcher d’en découvrir davantage. François Rondon, prêtre, curé de la Madeleine-lès-Amiens, qui avait fait, dit cette sentence, de mauvaises et criantes actions, Marin Thouret, prêtre, et Jean Poitou, maître d’école, assistèrent au supplice, et de là envoyés aux galères. Marguerite Langlois, veuve de feu Claude Nadot, dit Malherbe, fut fustigée au pied du poteau. Jeanne Honatier, femme dudit Simon Morin, et Claude Morin, leur fils, furent renvoyés libres, et sortirent de prison [1]. »

  1. Mémoire manuscrit communiqué par M. Lancelot.

MORISON (Robert), médecin et professeur en botanique à Oxford, naquit à Abredon, l’an 1620. Il y fut reçu maître es arts, l’an 1638, et peu après il y enseigna la philosophie. Il étudia en même temps les mathématiques, et puis il s’appliqua à la botanique ; et comme son père et sa mère souhaitaient qu’il devînt théologien, il apprit l’hébreu, et composa même pour son usage particulier une grammaire hébraïque. Mais son inclination pour la connaissance des herbes fut si forte, qu’il fallut qu’on le laissât tourner de ce côté-là toutes ses études. Il s’y avançait beaucoup lorsque les guerres civiles le contraignirent de sortir de son pays, ce qu’il ne fit pas sans avoir signalé son zèle pour les intérêts du roi, et son courage dans le combat qui fut donné sur un pont [a] entre les habitans d’Abredon, et les troupes presbytériennes. Il y fut blessé à la tête dangereusement. Il s’en alla en France dès qu’il fut guéri de cette blessure, et s’étant fixé à Paris, il s’attacha avec une extrême ardeur à la botanique, et à l’anatomie. Il prit le bonnet de docteur en médecine, à Angers, l’an 1648 ; et comme sa réputation de grand botaniste était fort connue, il fut attiré auprès du duc d’Orléans, qui, en 1650, lui donna la direction du Jardin royal de Blois. Il exerça cet emploi jusqu’à la mort de ce prince, et puis il passa en Angleterre, au mois d’août 1660. Charles II, à qui le duc d’Orléans l’avait présenté à Blois, au mois de février de la même année, le fit venir à Londres, et lui donna le titre de son médecin, et celui de professeur royal en botanique, avec une pension de

  1. Ad pontem fluminis Deæ. Vita Roberti Morisonis. La Dée est une rivière à l’embouchure de laquelle Abredon est situé.