Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
537
MORIN.

Ce marquis se mêlait d’astrologie, et voulait bien que le public en fût informé ; car il fit imprimer un livre qu’on attribue à Ptolémée [1]. Au bout de quatre ans, Morin l’attaqua avec un peu trop de colère, comme on l’avoue dans sa Vie [2], en l’excusant néanmoins sur son grand zèle pour la vérité [3]. Je suis redevable à M. Clément, qui est si digne par son savoir et par son inclination, obligeante de l’emploi qu’il a [4] ; je lui suis, dis-je, redevable d’un catalogue des ouvrages de Jean-Baptiste Morin, où j’ai trouvé des traités dont l’écrivain de sa Vie ne parle pas. En voici deux de cette nature : Ad australes et boreales Astrologos pro Astrologiâ restituendâ epistolæ [5]. Lettres écrites au sieur Morin approuvant son invention des longitudes : et sa réponse à Hérigone [6].

Allongeons cette remarque pour donner un plus grand éclaircissement sur les prétentions de Morin par rapport aux longitudes. Il soutient [7] avec la dernière hardiesse, que les commissaires nommés par le cardinal lui firent mille chicanes le jour de l’expérience ; mais qu’il s’en tira si heureusement, qu’il les contraignit de témoigner à l’assemblée que ses démonstrations étaient bonnes. Dix jours après, continue-t-il, les sieurs Paschal, Mydorge, Beaugrand, Boulenger et Hérigone [8] se rassemblèrent par ordre du cardinal, afin d’examiner de nouveau cette doctrine, sur les quatre chefs que son éminence leur présenta. Ils rendirent un jugement tout contraire à leur première déclaration, et le montrèrent au cardinal qui leur commanda de le publier. Morin en appela aux plus fameux astronomes de l’Europe, et en obtint des réponses condamnatoires de la seconde sentence des commissaires. Ab illis commissaris proditus, et à cardinali Richelio fraudatus promisso præmio, de illâ secundâ sententiâ provocavi ad celebriores Europæ astronomos quibus scripsi librumque meum transmisi, qui omnes suis ad me responsis primam sententiam approbârunt, secundam verò falsitatis et iniquitatis unanimiter condemnârunt [9]. Cela ne lui servit de rien pendant la vie du cardinal, et ne fut pas inutile après sa mort ; car Morin s’étant adressé au conseil du roi, et ayant mis en lumière une longue relation, obtint justice par une pension de deux mille livres. Il fit voir que les commissaires avaient trahi leur conscience pour complaire au cardinal. Je le rapporte comme je le trouve dans son livre ; mais j’y ajoute bien peu de foi. Postulationem meam narratoriam quantâ potui arte composui, ut evidentissimè pateret injustitia in me perpetrata à cardinali Richelio, quem constabat excitâsse commissarios meos ut suam in me secundam ferrent sententiam primæ ac veræ prorsùs contrariam [10]. Il en voulait surtout au sieur Hérigone, et il écrivit contre lui violemment. Il nie qu’il eût été son disciple. Voyez la note [11].

(I) Il eut entre autres adversaires l’illustre Gassendi. ] Voici l’origine de cette dispute. L’an 1642, Gassendi fit imprimer deux lettres qu’il avait écrites à Pierre du Puy, de Motu impresso à motore translato. Il y combattait fortement les objections de ceux qui disent que la terre ne se meut pas : Morin était de ceux-là, et l’un des tenans contre Copernic. Il crut donc que c’était à lui que l’on en voulait ; il se plaignit que Gassendi, violant les lois de leur ancienne amitié, se portait pour agresseur ; en un mot, il prit la plume, et publia un livre contre Gassendi, l’an 1643

  1. Centiloquium Ptolemæo vulgò adscriptum. Ibid., num. 43.
  2. Si quid in eis est quod quispiam jure possit carpere, non diffitebor contrà authorem hunc nobilem calentis ingenii leves quosdam insultus haberi. Ibidem.
  3. Præfervidi erat, neque sat tolerantis animi, sed qui amore veritalis caleret ardentiùs. Ibidem.
  4. À Paris dans la bibliothéque du roi.
  5. Imprimé l’an 1628, in-8°.
  6. Imprimé l’an 1635, in-4°.
  7. Morin., Astrologia gallic., lib. XXVIII. pag. 623.
  8. Ils étaient commissaires dans cette cause.
  9. Morin., Astrologia gallica, pag. 623.
  10. Idem, ibidem.
  11. Fallitur dùm ait Herigonum fuisse meum in mathematicis preceptorem. Nam dùm in illum scripsi, quod fuisset ignarus, perfidus et proditor judex in meâ longitudinum causâ : pro suâ defensione mihi respondens inania, non oblitus fuisset mihi exprobrare, quod ejus fuissem discipulus ingratissimus. Morin., in Defens. Dissert., pag. 107.