Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/539

Cette page a été validée par deux contributeurs.
529
MORIN.

par ses ouvrages, et par le cours de chimie qu’il enseigna publiquement dans le jardin royal à Paris [1]. Il fut appelé en Pologne [2], et il eut l’honneur d’y être premier médecin de la reine [3]. Je m’en vais dire une chose remarquable. Il se dégoûta de l’astrologie, à cause de l’incertitude qu’il y trouvait, et s’attacha à la médecine. Morin, au contraire, par une semblable raison, se dégoûta de la médecine et s’appliqua à l’astrologie, est vero quod in ipso (Davissono) ac Morino non levier admiremur, artium nempè quas profitebantur factam ab utroque veluti permutationem : astrologiam Scotus, scientiam alter medicam sectabatur ; uterque processu temporis, post experimenta complura in arte propriâ, nil subesse certi deprehendit, undè animus amborum fluctuans, in quo pedem figeret, non inveniebat. Tædet itaque hunc et illum aberrantis plerumque judicii, medicus ergò in astrologum vertitur, et in medicum astrologus, tam secundo exitu ut beati transfugæ inter hujus ætatis viros insignes annumerari mereantur [4].

(C) Morin entra chez le duc de Luxembourg… l’an 1621. ] Ceux qui ont donné sa vie laissent ici un vide avec peu de jugement. Ils disent que par la prison de l’évêque de Boulogne, Morin se serait trouvé sans appui s’il ne fût entré chez ce duc, l’an 1621, et ils venaient de dire que cet évêque fut emprisonné l’an 1617. Que devint donc Morin dans cet intervalle de quatre années ? C’est ce qu’il fallait du moins indiquer. Remplissons cette lacune par un passage de Morin même, qui nous apprendra que depuis la chute de son prélat, il demeura chez l’abbé de la Bretonnière en qualité de médecin ordinaire, jusqu’à ce qu’il entrât chez le frère du connétable, pendant le siége de Montauban. Mansi, dit-il [5], apud Episcopum 4 annis, tùm sollicitatus à reverendissimo D. de la Bretonnière sancti Ebrulphi in Normaniâ abbatis optimi, me cum ipso durante gravi peste Parisiensi in Normaniam contuli, ejus medicus ordinarius. Anno autem 1621 dùm Rex obsideret Montem Albanum, vocatus fui in aulam ab illustrissimo mihique valdè amico domino Ludovico Tronsono, regi à Sanctioribus consiliis et secretis, ut essem Medicus ordinarius ducis à Luxemburgo, quod ægrè tulit optimus abbas. Il se plaint souvent de l’ingratitude de ce duc, et il avoue qu’elle l’obligea de le quitter, et qu’en sortant de chez lui il le menaça d’une maladie qui l’emporta dans deux ans [6].

(D) On lui avait persuadé d’épouser la veuve de son prédécesseur : il trouva qu’on était près de la porter au sépulcre.] Morin se réglait sur les astres dans sa conduite, et comme il ne trouvait pas qu’ils lui conseillassent de se marier, il avait envie de vivre dans le célibat. Néanmoins les exhortations de ses amis l’ébranlèrent de telle sorte, qu’il songea tout de bon au mariage, quand il eut bien considéré que la veuve de Sainclair passait pour riche, et qu’il s’offrait une occasion favorable de succéder, non-seulement à la chaire de professeur, mais aussi à son lit et à son argent. Il était en chemin pour aller rendre ses devoirs à cette veuve et pour lui faire la première ouverture de son dessein. Mais voyant la porte du logis tendue de noir ; et apprenant des voisins que cette femme serait bientôt enterrée, il fut saisi d’un étrange étonnement, et forma sur-le-champ un dessein ferme de ne se point marier. Ne doutons point que cela ne fortifiât dans son âme la bonne opinion qu’il avait conçue de l’astrologie. Hoc honore magisterioque pollentem familiares amici conjugio proposito stabilire firmiùs voluerunt : vivebat antecessoris conjux memorati modo Sanclari, non abjicienda quidem illa planè, et quàm opibus non contemnendis instructam popularis fama jactabat, parest, inquiunt, ut quemadmodùm Sanclari cathedræ, sic et ejusdem opibus ductâ ipsius uxore succedas : consilio istiusmodi sæpiùs

  1. Il fut imprimé à Paris l’an 1635.
  2. Vita Morini, pag. 4, num. 21.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Morin, in Defens. suæ Dissertationis de Atomis, pag. 106, 107.
  6. Quem demùm fui coactus deserere ob summan ejus ingratitudinem, prædicens illi antè discussum morbum lethalem intrà biennium ex quo etiam mortuus est. Morinus, Astrolog. gallica, lib. XVII, pag. 398.