Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/535

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
525
MORGUES.

semât des piéges partout, et que son arc eût toujours deux cordes.

(I) Il fit disparaître..... le neveu du père Sirmond. ] J’ai trouvé ce fait dans l’histoire de l’Académie française, « M. Sirmond.... fit pour ce cardinal divers écrits sur les affaires du temps, presque tous sous des noms supposés. L’abbé de Saint-Germain, qui était l’écrivain du parti contraire, le maltraita fort dans cette pièce, qu’il appelait l’ambassadeur chimérique. Il y fit une réponse, qui est dans le recueil de M. du Châtelet. L’abbé de Saint-Germain répliqua, et le traita encore plus injurieusement ; ce qui l’obligea de faire un nouvel écrit pour sa défense. Mais le cardinal de Richelieu, et le roi Louis XIII, moururent là-dessus, et il ne put jamais obtenir sous la régence un privilége pour faire imprimer cet ouvrage. Cela le fâcha beaucoup ; et voyant d’ailleurs que son ennemi était de retour à la cour, et que la faveur ne serait plus de son côté, il se retira en Auvergne, où il mourut âgé d’environ soixante ans [1]. » Ce M. Sirmond était de l’académie française, et vous voyez qu’il eut le chagrin d’être forcé de céder à un écrivain rebelle, qui non-seulement l’avait maltraité, mais qui même avait répandu son venin sur tout le corps de l’académie. Elle eut à peu près le même destin que Sirmond ; elle ne fut point vengée, et vit le triomphe de son censeur, et les ouvrages de ce fier critique imprimés avec privilége du roi. M. Pellisson me fournit des preuves. Le premier qui écrivit contre l’académie, dit-il [2], fut l’abbé de Saint- Germain, qui était alors à Bruxelles, accompagnant la reine-mère Marie de Médicis dans son exil. Comme il déchirait sans cesse par ses écrits, et avec une animosité étrange, toutes les actions du cardinal de Richelieu, il ne manqua pas de parler fort injurieusement de l’académie française, qu’il confondait même avec cette autre académie que le gazetier Renaudot avait établie au bureau d’adresse ; soit qu’il voulût ainsi se méprendre, soit qu’en effet il ne se fût pas bien informé de ce qui se passait à Paris. L’académie ne voulut point y répondre par un ouvrage exprès ; mais M. du Châtelet, qui en était, et qui répondait alors pour le cardinal à la plupart de ces libelles de Bruxelles, fut prié, après la proposition qu’il en fit lui-même dans l’assemblée, d’ajouter sur ce sujet quelques lignes, qui furent ensuite lues et approuvées par la compagnie [* 1]. Les pièces de l’abbé de Saint-Germain contre le cardinal de Richelieu ont été imprimées depuis à Paris [3] en deux volumes, après la mort du feu roi Louis XIII : les réponses de M. du Châtelet étaient dans une pièce qu’il n’acheva point, étant prévenu par la mort, et qui n’a point été imprimée.

(K) Il...... prêchait chaque année le panégyrique de saint Joseph. ] J’ai appris cela dans une critique très-ingénieuse, qui est la suite du Parnasse réformé, et qui a pour titre : la Guerre des Auteurs anciens et modernes, M. Guéret y suppose qu’à l’arrivée de l’abbé de Morgues au Parnasse, le cardinal de Richelieu et Balzac le voulurent empêcher de prendre son rang parmi les historiens, et que cette éminence lui tint ce discours : « Voici donc, voici cet homme, qui seul a troublé la gloire de mon ministère : voici cette plume unique que je n’ai jamais su gagner ; et je tiens maintenant celui après lequel j’ai fait marcher des légions entières, et dont la recherche n’a fait perdre plus d’une campagne. Je savais bien, continua-t-il, que je l’attraperais en l’un ou en l’autre monde. Il faut aujourd’hui qu’il paie tous les maux qu’il m’a coûtés, il faut que je me venge de cette malignité opiniâtre que la crainte des châtimens ni l’appât des récompenses n’ont pu corriger ; et, si la divinité qui préside ici ne m’en fait justice, je lui ferai bien connaître que je n’ai pas

  1. (*) Reg. 9. et 30. juillet 1635.
  1. Pellisson, Histoire de l’Académie française, pag. m. 305.
  2. Là même, pag. 67 et suiv.
  3. Matthieu de Morgues avait espéré cela, car dans la préface du Recueil de ses ouvrages, qu’il fit imprimer à Anvers, il se servit de ces paroles : J’ai espérance qu’un jour mes écrits seront imprimés à Paris fort correctement, sous le privilége du grand sceau.