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MONT-JOSIEU.

semblant d’être derechef hérétique, il trouverait le moyen de tuer le roi de Navarre d’un coup de pistolet. Et que lui ayant dit qu’il n’avait point d’argent pour se mettre en équipage, afin d’aller en l’armée, que le Petit Feuillant lui bailla quatre cents écus : lesquels ayant reçus il se retira en sa maison près de Corbeil, avec promesse d’exécuter leur complot ; mais qu’au contraire il en fit avertir monsieur de Lanoue pour le faire savoir au roi. Aussi que ledit Petit Feuillant quelque temps après lui avait récrit, et le sollicitait d’exécuter leur dessein ; mais qu’il avait gardé ses lettres, et ne lui avait envoyé que des excuses pour son argent ; et n’était point venu aux faubourgs de Paris que pour faire service au roi. Toutes ses excuses eussent été impertinentes, s’il n’eût vérifié l’avis par lui donné à monsieur de Lanoue : et après une longue prison, par arrêt il lui fut fait défense d’approcher le roi de dix lieues : ce sont là de terribles desseins pour gens d’église. Ce passage se trouve au feuillet 228 du 1er. tome de la Chronologie novenaire, de Pierre-Victor Cayet, sous l’an 1589, et m’a été indiqué par l’auteur des nouvelles Notes sur le Catholicon. Le panégyriste du Petit Feuillant insiste peu sur les années de la ligue : il n’en dit que des choses vagues, et qu’il tourne d’un beau côté ; et il expose en général que ce religieux « eut la gloire d’avoir été l’organe le plus puissant, le plus foudroyant, et le plus zélé, mais aussi le plus sincère et le plus désintéressé pour faire rentrer Henri IV au giron de l’église. Il est vrai qu’il insinue aussi, qu’on l’accusa d’avoir eu part à quelques-unes des conspirations qui se firent contre la vie de ce prince ; mais il dit aussi que ce prince l’en justifia par ses ambassadeurs auprès de Clément VIII, à qui même ils eurent ordre de témoigner l’estime que Henri IV faisait de don Bernard [1]. » Ceci demandait la citation de quelque livre imprimé, et du bon coin [* 1].

(H) Il faudra dire un mot de sa taille-douce. ] « Le panégyriste dit que notre abbé ne couchait jamais que sur une planche, et qu’un escabeau lui servait d’oreiller. En récompense, on voit qu’il prenait ses aises pendant le jour, car son portrait nous le représente étant dans une chambre, assis dans un beau fauteuil garni d’un carreau magnifique, qu’on prendrait pour être rempli du plus fin duvet. Devant ses yeux se voit le portrait d’une N.-D. pour laquelle le saint abbé fait couler de sa plume ces paroles : O domina mea, quid hic facio ? educ é carcereé animam meam, ad confitendum nomini tuo. Dans l’éloignement se voit un tas de volumes en feu [2], et par la suite du livre, on voit que cela dénote les volumes composés par le Petit Feuillant, auxquels, au sortir d’une maladie, et par humilité, cet abbé mit lui-même le feu, voyant qu’un de ses religieux, auquel il avait commandé de le faire y témoignait de la répugnance. À son côté est un agneau, figure de celui que le livre dit lui être apparu ensuite d’une voix qui, à la veille de plusieurs calomnies qu’il eut à essuyer en Flandres lui cria la nuit, par trois fois, alarme. À ses pieds sont quatre mitres : celle de l’évêché d’Angers, que peu après l’arrivée des feuillans à Paris, Henri III lui fit offrir par MM. de Monthelon et Miron, conseillers en la cour, et qu’il refusa : celles de l’évêché de Pamiers, et de la célèbre abbaye de Marimond, qu’il refusa aussi, et même s’employa pour les faire tomber à d’autres ; et celle de l’abbaye de Nizelle, que l’archiduc lui donna pour le tenir près de lui ; mais qu’il ne garda que jusques à la première vacance de la grande et opulente abbaye d’Orval [3]. »

  1. * Leclerc dit que Bayle aurait dû faire semblable réflexion sur le passage de Cayet qui intente l’accusation, et que Bayle a transcrit.
  1. Tiré du Mémoire communiqué par l’auteur des Notes sur la Confession de Sancy.
  2. La seule pièce qui ait paru sous son nom est l’Oraison funèbre de l’archiduc Albert.
  3. Tiré du Mémoire de l’auteur des Notes sur la Confession de Sancy.

MONT-JOSIEU [a] (Louis de), en latin Demontjosius, ou De-

  1. Du Verdier, Bibl. franç., pag. 806, le nomme Mont-jouziou.