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MOLSA.

plus parfaite connaissance de ces langues-là que de la sienne propre. Elle commença à apprendre la musique pour s’entretenir et divertir de ses études plus sérieuses ; de sorte qu’elle surpassa de beaucoup toutes les dames qui avaient chanté avec un grand applaudissement et ravi les oreilles d’admiration. La conduite de sa voix, qu’elle avait acquise par les vraies règles des bons livres et des meilleurs auteurs, dont plusieurs ont eu cette louable ambition de lui pouvoir montrer quelque chose rare de cette profession, comme firent entre autres Giaches d’Uverto, Lusasco Lusachi, et Horace, dit de la Viole, duquel instrument outre le luth Tarquinia avait coutume de jouer une partie, y joignant une autre avec sa voix, et avec tant d’adresse et de science, que l’on n’en saurait pas souhaiter davantage, si bien qu’Alfonse II, duc de Ferrare [1], prince très-judicieux, et qui avait une extrême passion pour toutes les belles et les bonnes choses, demeura ravi d’admiration, ayant trouvé beaucoup plus de merveilles en cette dame que l’on ne lui en avait pas rapporté. Peu après elle institua ce célèbre concert des dames qui l’ont grandement respectée, et après la mort de son mari lui ont fait l’honneur de l’appeler toujours en leur compagnie, afin que par sa présence elle perfectionnât ce chœur de musique qu’elle avait si bien commencé. » Ces paroles d’Hilarion de Coste sont traduites de l’italien d’un chanoine régulier de Saint-Jean de Latran [2]. Il ne marque pas assez bien ce que Patrice enseigna à cette dame. C’est pourquoi je rectifie sa narration par les paroles de Patrice même, qui nous apprennent qu’il lui enseigna la langue grecque, et qu’il lui fit lire Platon. Tout ce qu’il dit à la louange de Tarquinia, par rapport à l’érudition, mérite d’être rapporté, et peut servir de supplément à la narration de Ribéra. Non tu, dit-il [3], ut aliæ solent, summis labris libros attigisti. Tu non modò Hetruscam politissimam linguam, sed latinam, sed græcam, optimè calles. Tu in hâc non modò historicos atque oratores, sed et philosophos, sed et Platonem ipsum, Jovis eloquium æmulantem, sed et poëtas quoslibet, sed et Pindarum, sine hæsitatione ullâ, et legis et intelligis. Hanc tu, quôd omnium hominum admirationem vincat, in Platone, tribus mensibus me prælegente edidicisti. Tu in Latina omnium generum carmina pangis, in Hetrusca poemata condis, quam salita, Jupiter, atque arguta ! Tu logicas omnes spinas demetisti. Tu moralem philosophiam, Plutarchicam, Aristotelicam, Platonicamque obibisti. Tu magnos profectus in physiologiâ fecisti. Tu theologiam catholicam, toto pectore hausisti. Quid musicen omnis generis referam ? In quâ te omnis, non modò musicorum, sed et musarum chorus et admiratur, et stupet. Te ne virorum quidem ullus in musicâ præstantissimorum, non modò non superat, sed nec adæquat. Cùm ad hendecachordum canis, cùm acutam gravemque eodem utramque tempore, alteram ad lyram pulsas, alteram cantas, gratiæ te omnes ornant, circumstant, stupescuntque. Quas utinam possem ita exprimere, ut qui hæc legeret, te audire putaret. Sed, Dii boni ! quæ eloquentia ? quæ argutiæ ; qui sales ? quæ jucunditas in conversando, quæ humanitas, quæ urbanitas ? Longè meritò judiciosissimus Benedictus Manzolius civis tuus, et episcopus regiensis te, non solùm patri tuo Camillo viro eloquentissimo, sed etiam avo tuo, viro usquéquaque magno Francisco Mario Molziæ audet præferre.

(D) La ville de Rome la gratifia… de la bourgeoisie romaine. ] « [4] Tout

  1. Confirmez cela par ces paroles de Patricius, ubi suprà, citat. (3). Quanti te serenissimus Alphonsus Atestinus II princeps noster ? Quanti te principes mulieres Lucretia atque Leonora, sorores ejus faciunt ?
  2. Nommé Pierre Paul de Ribéra de Valence. Il a fait l’éloge de notre Tarquinia dans le XIVe livre d’un ouvrage qui a pour titre : Le Glorie immortali de’ Triomli, ed heroiche imprese d’ottocento quaranta cinque donne illustri antiche e moderne, dotate di conditioni e scienze segnalate : Cioè in sacra scrittura, theologia, profetia, filosofia, retorica, grammatica, medicina, astrologia, leggi civili, pittura, musica, armi, ed in altre virtu principali.
  3. Patricius, epist. dedicat. Discuss. Peripatetic.
  4. Hilar. de Coste, Éloge des Dames illustres, tom. II, pag. 802, 803.