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MOLSA.

larités touchant le Molsa, que ce sera faire un très-grand plaisir à mon lecteur, que de les produire ici, « [1] Le Molsa n’est pas mort en 1548, mais en 1544. Cela se justifie par trois lettres d’Annibal Caro, son intime ami ; la première, écrite de Rome au Molsa malade à Modène, est du 2 de janvier 1544 ; la seconde du 11 de février, même année, servant de réponse à celle qu’il paraît que le Molsa lui avait faite ; et la troisième du 6 de mars suivant, par laquelle il mande au Varchi la mort du Molsa comme une chose toute récente : Con le lagrime a gli occhi, ce sont les mots par où il débute, vi dico che’l nostro da ben Molsa à morto, e per lo gravissimo dolore ch’io ne sento, non ne posso dir altro.…, C’était un heureux naturel que le Molsa : l’étude le perfectionna, il joignit l’érudition à la politesse, la connaissance du grec, et même, selon Lilius Gyraldus, de l’hébreu à celle du latin et de sa langue. Il réussissait en prose, en vers, dans le sérieux, dans le comique, en sorte qu’allant bien loin au-delà du jugement qu’avait fait de lui son compatriote Sadolet, qu’il excellerait en quelque genre de composition que ce fût auquel il voudrait se fixer, il a excellé en tous sans se fixer à pas un. Le P. Rapin l’a regardé parmi les modernes comme un modèle de l’élégie latine. Son caractère était celui de Tibulle, sur quoi vous pouvez voir Barthélemi Riccius de Imitatione. Ses pièces auraient pu être encore plus châtiées, si la mort ne l’eût prévenu. Il est difficile de l’excuser sur sa vie licencieuse, à moins que d’admettre cette morale corrompue sur les principes de laquelle il se persuadait que, pourvu qu’il s’abstînt des grands crimes, tels que l’athéisme, le larcin, le meurtre, et toutes sortes de violences, il pouvait dans une innocente liberté goûter les plaisirs des sens. Aussi, à l’entendre, était-il plus pur qu’une hermine, et jamais vie ne fut plus irréprochable que la sienne. Il se flatte que quelqu’un, venant un jour à la parcourir, la proposera en exemple, et que ce sera la matière de son Panégyrique ;

» Tùm faciles memoret mores, et puriter acta
» Percurrat vitæ tempora quæque meæ,


» dit-il, dans cette belle élégie qu’il fit peu de jours avant sa mort. Sa prédiction fut suivie d’un prompt accomplissement. Il reçut de Paul Pansa, bon poëte latin, précepteur du fameux Jean Louis de Fiesque, des louanges telles qu’il les demandait.

» Hocne meret probitas ? hocne meret pietas ?


» dit celui-ci ; et quatre vers après :

» Quid prodest vixisse pium, aut odisse profanum
» Vulgus, et à sævis abstinuisse malis ?


» Schradérus et Sweertius rapportent, qui plus est, une glorieuse inscription consacrée à sa mémoire dans la cathédrale de Modène, en ces termes : Si animarum auctio fieret, Franciscum Molzam licitarentur Virtutes, Patria, et Catharina ejus uxor, quæ illi et sibi vivens hoc posuit….. Le Guidiccione, depuis évêque de Fossombrone, n’a pas parlé moins honorablement de la vertu de Molsa. Datemi novelle del Molza, dit-il dans une lettre au Toloméi, ch’io lo desidero fuor di misura, cioè se egli vuol fare povero il mondo, e ricchi i cieli con la sua anima, perche intendo che egli è infermo d’una acuta febre. Paul Jove, qui dans le fond ne l’a blâmé que parce qu’il ne sauvait pas assez les bienséances, ne devait pourtant pas ignorer que celui dont il censurait la conduite, avait été mis, même pour les mœurs, en parallèle avec lui et avec beaucoup d’honnêtes gens ses contemporains, par Longueil, dans sa seconde défense. Quid hic Paulum Jovium commemorem ? Angelum Colotium, Antonium, Marosticum ? Quid Marium Molsam, Hieronymum Nigrum, M. Antonium Flaminium, Georgium Sauromanum, viros tùm ab omni elegantiore doctrinâ instructissimos, tùm ingenuâ animorum probitate optimos, atque totius vitæ innocentiâ integerrimos ? C’était alors néanmoins le fort de la dé-

  1. La Monnoie, Lettre MS.