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MILTON.

d’Alexandre Morus, contre lequel il eut à écrire. Il arriva en Angleterre au temps de la deuxième expédition d’Écosse, de Charles Ier. ; et parce qu’il fut chargé de la tutelle de ses neveux [a], il prit la résolution de devenir leur précepteur : il enseigna aussi à quelques autres écoliers (K). Il épousa, en 1643, Marie Powel, fille d’un juge de paix dans la province d’Oxford. Cette jeune femme ne tarda guère à se dégoûter de lui (L) : elle le quitta au bout d’un mois, et fit clairement connaître qu’elle ne reviendrait point chez lui. Il prit ses mesures là-dessus, et après avoir publié un ouvrage sur le divorce, il se prépara à un second mariage ; mais elle se ravisa, et le supplia si ardemment de la reprendre, qu’il se laissa attendrir. Il en eut une fille un an après cette réconciliation, et puis bien d’autres enfans (M). Cette femme étant morte en couche, il en épousa une autre [b], qui mourut de la même manière au bout d’un an. Il demeura veuf quelques années, et ne se remaria qu’après le rétablissement de Charles II et l’amnistie qu’il obtint de ce monarque. Il l’avait offensé entre autres livres par celui qui est intitulé Iconoclastes, et qui est la réfutation d’un ouvrage qu’on attribuait à Charles Ier. Il soutint que ce monarque n’en était point l’auteur. Le temps a montré qu’il soutint cela avec fondement (N). Il se tint caché lorsqu’on rappela Charles II, et ne se montra qu’après la proclamation de l’amnistie. Il obtint des lettres d’abolition, et ne fut soumis qu’à la seule peine d’être exclus des charges publiques. Quelques-uns ont cru que le roi eut plus de part à cette grande modération par un défaut de mémoire, que par sa clémence. Mais d’autres disent que Milton avait des amis dans la chambres des communes et dans le conseil privé, qui intercédèrent pour lui. Il n’acheva qu’à plusieurs reprises son grand poëme du Paradis perdu ; car sa veine ne coulait pas en toute saison, mais seulement au printemps et en automne. Il publia son histoire d’Angleterre [c], l’an 1670. Elle s’étend jusques à Guillaume-le-Conquérant, et n’est pas tout-à-fait conforme à l’original de l’auteur. Les censeurs des livres en effacèrent divers endroits qui décrivaient vivement la superstition, l’orgueil et les artifices de l’ancien clergé : ils s’imaginèrent qu’on appliquerait cela au clergé moderne. Le dernier livre qu’il publia est un Traité de la vraie Religion, de l’Hérésie, du Schisme, de la Tolérance, et des meilleurs Moyens qu’on puisse employer pour prévenir la propagation du Papisme. J’en rapporterai un passage (O). Ceux qui dirent que la pauvreté l’avait contraint de se défaire de sa bibliothéque s’abusèrent grossièrement : il ne la vendit que parce qu’il crut qu’il en tirerait plus d’argent que ses héritiers ne sauraient faire ; et il est certain qu’il leur a laissé une succession très-considérable [d]. La goutte fut sa principale maladie : il en

  1. Fils de sa sœur.
  2. Fille du capitaine Woodcock.
  3. Elle est en anglais.
  4. 15000 livres sterlings et autres biens.