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MILLETIÈRE.

que M. l’abbé de Marolles parlait de lui, l’an 1656.

(F) Il ne voulut pas avouer que l’un de ses livres eût été censure par la Sorbonne ; et néanmoins M. Rivet publia un acte qui portait le nom de la faculté. ] Ce ministre, répondant à un petit livre de Grotius [1], mit dans un appendix [2] douze thèses qu’il avait extraites du traité de la Milletière sur la puissance du pape, et sur le remède des schismes, et il y joignit un décret de la Sorbonne contre le Moyen de la Paix chrétienne, etc. Ce décret, daté du 15 de décembre 1637, devait être publié à Paris [3] ; néanmoins il ne le fut pas. Mais André Rivet en ayant une copie manuscrite, la fit imprimer en Hollande, l’an 1642, dans l’appendix dont j’ai parlé. La Milletière s’en fâcha beaucoup, et soutint que cette pièce était supposée, et que ce n’était que la censure particulière [4] de M. Chappellas, bordelais et ci devant jésuite [5], qui fut créé syndic de la faculté de théologie au mois de décembre 1637. Au même instant qu’il se vit confirmé, voulant faire éclat par quelque acte de réputation digne de l’humeur de son climat et de la chaleur de son esprit, proposa la visitation de mon livre en la compagnie. La Milletière ajoute [6] que son livre ne fut point examiné, et que Chappellas, qui avait allégué un ordre de l’autorité souveraine, se trouva bien loin de son compte. Les raisons de ces différens mouvemens ayant été depuis représentées au lieu d’où le syndic prétendait appuyer son dessein de l’autorité supérieure, sa procédure fut trouvée si hors de propos que lui et M. du Val, le sous-doyen, reçurent commandement exprès de s’en déporter. Il n’a pas laissé pourtant d’user de l’autorité que lui donnait son syndicat, pour faire insérer sa censure particulière dans le registre de la faculté, en date du 15 de décembre, signée de lui et de M. du Val, par la main duquel il avait obtenu le syndicat. C’est donc la censure de M. Chappellas que M. Rivet a fait imprimer, mais non de la faculté de Sorbonne. Il fait voir par plusieurs marques que cette pièce n’est point émanée de la faculté. M. Rivet [7] n’eut rien à répondre qui montrât que cet exposé fût faux. Quant au reste, il réfuta solidement son adversaire, et il promettait une réponse plus ample, car il intitula son écrit : Prodromus ad pleniorem refutationem caliumniarum, etc. [8]. La Milletière répliqua en latin par une dissertation intitulée : Crurifragium Prodomi. Rivet, changeant de dessein, se contenta de publier une lettre de Cuthbert Higlandius [9], qui contenait un conseil de ne plus entrer en lice avec un tel adversaire, et une assez longue liste des fautes de latinité que l’on trouvait dans ce Crurifragium. J’apprends néanmoins, dans une lettre de Grotius [10], le titre d’un livre français que Rivet fit imprimer à Rouen, l’an 1642 : Réponse à trois Lettres, avec la défense du sieur Rivet, contre les calomnies et suppositions du sieur de la Milletière.

Notez qu’en 1644, la censure d’un livre de la Milletière par la Sorbonne parut à Paris. Elle avait été adoucie deux ou trois fois en faveur des approbateurs. Les lettres de M. Sarrau vous en diront davantage [11]. Grotius manda à son frère que les trois docteurs de Sorbonne qui avaient approuvé le livre de ce conciliateur, furent suspendus pour un an [12], et que M. Arnauld fit un livre contre la Milletière, par politique. D. Arnaldus scripsit contrà Mileterium, ut ejus odio suum clueret [13]. La Milletière fit aussi ce jugement sur le motif de ce docteur de Sorbonne. Li-

  1. Les Notes sur la Consultation de Cassander.
  2. Voyez le IIIe volume des Œuvres d’André Rivet, pag. 976, 977.
  3. Ne hujus operis condemnati quemquam lateat, censuram hanc typis vulgandam esse decrevit. Ibidem, pag. 978.
  4. La Milletière, Cathol. réformé, p. 194.
  5. Là même, pag. 188.
  6. Là même, pag. 193.
  7. Voyez la page 1037 du IIIe. tome de ses Œuvres.
  8. Il est à la page 1035 du IIIe. tome de ses Œuvres.
  9. À la page 1114 du même volume. Sorbière est l’auteur de cette lettre. Voyez la préface du Sorbériana.
  10. Grotius, epist. DCXL, part. II, p. 949, col. 1.
  11. Sarravius, epist. LXXXV, LXXXVI.
  12. Grotius, epist. DXXXII, part. II, pag. 969, elle est datée du 2 de juillet 1644.
  13. Grotius, epist. DCCXIV, pag. 969, elle est datée du 16 de juillet 1644.