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MICRÆLIUS.

minanda Fæditas à Stettin 1656, in 4°. Syntagma historiarum politicarum, à Stettin, l’an 1627 et 1633, in-8°, et l’an 1654, in-4°. J’en parlerai dans la remarque qui suit. Ceux qui voudront voir le titre des autres ouvrages de Micrælius, tant latins qu’allemands, n’auront qu’à lire le sieur Witte [1].

(D) Je ferai quelques notes sur les additions de son Histoire politique. ] La dernière édition est de Leipsic 1702, en deux volumes in-4°. En voici le titre tout entier : Johannis Micrælii Pomerani Historia Politica, quâ imperiorum, regnorum, electoratuum, ducatuum, rerumque publicarum omnium origines, incrementa, fata, bello paceque gesta ad annum a Christo nato 1648 describuntur, cum continuatione Danielis Hartnaccii Pomerani, qui ad exitum usquè superioris seculi eandem eâdem methodo juxtà annorum seriem pertexuit, et totum opus autoribus in margine, undè isthæc desumta, adductis, tabulis chronologicis et genealogicis indicibusque planè novis et locupletissimis exornavit. Je suis sûr que M. Hartnac ne trouvera point mauvais que j’indique certaines choses qui me semblent défectueuses dans ses additions, et qu’ainsi je fasse en sorte, autant qu’il me sera possible, que ceux qui feront réimprimer les Histoires Générales nous donnent de bons Appendix. C’est leur coutume d’y faire joindre ce qui s’est passé depuis l’édition précédente jusques à la leur [2] : or quand on trouve une continuation toute faite, celle par exemple de M. Hartnac, on la copie plus volontiers que l’on ne se donne la peine d’en dresser une autre ; mais au moins s’efforce-t-on de rectifier ce que l’on copie, si l’on a quelques avertissemens sur les défauts.

Je dis donc en premier lieu, que M. Hartnac ne distingue pas assez les personnes, leurs noms propres, leurs qualités, etc. Il nous parle d’un condé, Condæus, qui prit Gernshac en Allemagne, l’an 1691, et la forteresse d’Herberstein [3]. On ne connaît point de général qui eut nom Condé, cette année-là, dans les armées de France. Il dit que le prince Eugène François est fils d’un frère du duc de Savoie [4] : il se trompe, ce duc n’a point de frère, et la parenté de ces deux princes ne vient que de ce qu’ils descendent de Charles Emmanuel, duc de Savoie, bisaïeul du prince Eugène. Il donne au maréchal de Lorge la qualité de marquis [5] : c’est celle de comte qu’il eût fallu lui donner.

En second lieu, je remarque qu’il ne caractérise pas assez les événemens : il en oublie quelquefois les circonstances les plus essentielles, ou du moins celles dont les lecteurs doivent être instruits pour bien juger de l’état des choses. Je n’en donnerai qu’un exemple : il attribue au prince Eugène d’avoir fait lever le siége de Suze au marquis de Catinat, au mois de juillet 1693 ; d’avoir bombardé Pignerol au mois de septembre, et fait sauter par des mines le fort de Sainte-Brigitte ; d’avoir donné une bataille le mois d’octobre dans laquelle chaque parti perdit bien des gens sans que la victoire se déclarât ; et enfin d’avoir chassé l’ennemi au delà des Alpes. Marchionem de Catinat Eugenius dux ab urbis Susæ obsidione julio mense fortiter repulit : septembri Pignarolum injectis ignibus globisque majoribus vastavit, fortalitium Brigittæ actis cuniculiis evertit ; octobri denique ambiguo marte et plurimis utrinque cæsis pugnavit, hostem denique difficillimo montes nivesque gradu finibus excedere coëgit [6]. Ce sont les paroles de M. Hartnac : elles sont censurables par bien des endroits ; car, 1°. le prince Eugène ne commandait point toutes les troupes, il ne commandait que celles de l’empereur ; le duc de Savoie commandant en chef et en personne toute l’armée : c’était donc à lui qu’il fallait attribuer tous les exploits, puisqu’on n’entrait pas dans le détail, et qu’on marquait simplement les succès les plus notables de la campagne. 2°. Il n’est pas vrai qu’on ait jamais fait lever le siége de Suze à M. de Catinat. Il prit cette ville au mois de novembre 1690, et

  1. Witte, ibidem, pag. 1289 et seq.
  2. Conférez ce que je dis dans la Dissertation sur les Libelles diffamatoires, num. VIII, et remarque (A), au commencement, tom. XV.
  3. Hartnaccius, tom. I, pag. 565.
  4. Ibidem, pag. 566.
  5. Ibidem, tom. II, pag. 134.
  6. Hartnaccius, tom. I, pag. 568, 569.