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MÉZIRIAC

ferait amender le pain [1]. » Nous verrons dans la remarque suivante l’estime que M. Descartes avait pour cet ouvrage de M. de Méziriac.

(C) Vous parlerons à part des écrits qu’il destinait à l’impression. ] « Il avait entrepris une nouvelle traduction de toutes les œuvres de Plutarque, avec des notes où il voulait faire voir les fautes qu’Amyot avait faites en la version de cet auteur, en éclaircir quantité de passages qui n’avaient jamais été entendus, et nous ouvrir les trésors de l’antiquité : il restait peu de chose à faire de ce grand et pénible travail, quand il est décédé, qui est un dommage pour le public qui ne se peut pas exprimer. Tous les doctes l’attendaient avec impatience, laquelle fut accrue par la belle lettre qu’il écrivit à l’académie de Paris, pour la remercier de l’honneur qu’on lui avait fait de l’y associer, par laquelle il rendit raison de son dessein. Il nous a encore laissé plusieurs pièces achevées, et non imprimées, desquelles il serait à souhaiter que le public ne fût pas frustré plus longtemps ; savoir : Elementorum, Arithmeticorum lib. 13 ; Tractatus de Geometricis quæstionibus per Algebram. Ce sont les deux ouvrages qu’il promettait à la fin de sa préface sur le Diophante. Le reste des Épîtres d’Ovide sans commentaires ; Apollodori Atheniensis Grammatici Bibliotheces, sive de Deorum origine libri tres, de sa traduction, avec de très-doctes observations. Agathemeres, géographe Grec, non encore imprimé [2] ». Ce passage de M. Guichenon contient une petite inexactitude. On y donne pour une lettre de remercîment écrite à messieurs de l’académie française, un discours que M. de Méziriac avait composé pour se conformer aux réglemens de l’académie. On fit par sort avec des billets, un tableau des académiciens ; on ordonna que chacun serait obligé de faire à son tour un discours sur telle matière, et de telle longueur qu’il lui plairait [3]. Il y eut vingt de ces discours prononcés de suite dans l’académie [4]Le dix-septième fut envoyé par M. de Méziriac, et lu dans l’assemblée [* 1] par M. de Vaugelas : il est intitulé de la Traduction. En ce discours l’auteur, qui était estimé très-savant aux belles lettres, et surtout en la langue grecque, après avoir loué l’esprit, le travail, et le style d’Amiot, en sa version de Plutarque, et comme il semble, avec assez d’ingénuité, prétend montrer qu’en divers passages qu’il a remarqués, jusques au nombre de deux mille, ce grand traducteur a fait des fautes très-grossières de diverses sortes, dont il donne plusieurs exemples [5]. Je sais que M. l’abbé Nicaise, dont le zèle pour l’avancement des sciences est assez connu, s’est fort employé à déterrer l’Apollodore de M. de Méziriac, et il n’a pas tenu à lui que les libraires ne l’aient mis sous la presse.

Voici quelques faits qui concernent un autre ouvrage de cet écrivain. M. Baillet raconte que M. Descartes faisait un cas tout particulier du génie et de la capacité de M. de Méziriac, sur tout pour l’arithmétique et l’algèbre, qu’il possédait et un degré de profondeur qui l’égalait à M. Viéte... Son travail sur Diophante d’Alexandrie est plus que suffisant pour justifier l’estime que M. Descartes faisait de lui : mais il est à croire que le public aurait encore enchéri sur cette estime, s’il avait vu le traité d’Algèbre de M. de Méziriac, et quelques autres manuscrits de cet auteur, dont le plus important est celui des [* 2] XIII livres des Élémens d’arithmétique servant pour l’algèbre, écrit en latin, et acheté des héritiers de M. de Méziriac depuis environ quinze ou seize années, par une personne de la religion réformée, qui n’a point oublié de l’emporter hors du royaume, au temps de la révolution de l’état où étaient les religionnaires avant la révocation de l’édit de Nantes [6]. Il y a dans ce récit une cir-

  1. (*) Le 10 décembre 1635.
  2. (*) Catal. des Mss. de Méziriac qui m’a été envoyé de Bourg en Bresse.
  1. Vie de Malherbe, pag. 10.
  2. Guichenon, Hist. de Bresse, IIIe. part., pag. 10.
  3. Pélisson, Histoire de l’Académie française, pag. 99.
  4. Là même, pag. 100.
  5. Pélisson, Histoire de l’Académie française, pag. 104.
  6. Baillet, Vie de M. Descartes, tom. I, pag. 291.