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MÉTRODORE.

decin [a]. D’autres assurent qu’il fut disciple de Nessas, qui l’avait été de Démocrite, et qu’il fut maître de Diogène, qui le fut d’Anaxarque [b]. Il enseignait l’éternité de l’univers ; car si l’univers, disoit-il, avait commencé, il aurait été produit de rien. Il le faisait infini par une raison tirée de son éternité, et immobile par une raison tirée de son infinité. Il disait que les nues et ensuite la pluie, se formaient de l’air condensé, et que la pluie qui tombait sur le soleil l’éteignait, mais que la raréfaction qui succédait à cette extinction le rallumait ; qu’à la longue cet astre s’épaississait par la sécheresse, et que l’eau brillante lui servait de matière pour produire des étoiles. Voilà comment il donnait raison de la suite alternative des jours et des nuits, et en général des éclipses [c]. On le compte parmi ceux qui ont nié la certitude, et l’on cite pour cela un passage de Cicéron (A). On n’a point de preuve certaine que Pline ait cité notre Métrodore ; car il ne donne jamais le surnom Chius à celui qu’il cite. Athénée le lui donne avec un ouvrage intitulé Τροϊκἀ, c’est-à-dire des affaires de Troie [d].

  1. Suidas, in Δημόκριτος 
  2. Euseb., Præpar. Evangel., lib. XIV, cap. XV, pag. 758.
  3. Tiré de Plutarque in Stromatis, apud Eusebium ubi suprà, lib. I, cap. VIII, pag. 24, 25.
  4. Athenæus, lib. IV, cap. ult., pag. 184.

(A) On le compte parmi ceux qui ont nié la certitude, et l’on cite pour cela un passage de Cicéron. ] M. Ménage, commentant ces paroles de Diogène Laërce : Ὅς (Μητρόδωρος) ἔλεγε μηδὲ αὐτὸ τοῦτο εἰδέναι ὅτι οὐδὲν οἶδε. Hic (Metrodorus) se ne id quidem scire dicebat quod nihil sciret [1], rapporte ceci : Chius Metrodorus initio libri qui est de Naturâ : nego, inquit, scire nos, sciamusne aliquid, an nihil sciamus, ne id ipsum quidem nescire aut scire, scire nos, nec omninò sit ne aliquid, an nihil sit. Sa citation est le 4e. livre [2] des Questions Académiques de Cicéron : j’ai lu et relu cet endroit-là, et il m’a toujours semblé que c’est Démocrite, et non Métrodore, que l’on fait parler ainsi. Au fond, il est vrai que Métrodore était sceptique : Sextus Empiricus [3] le range parmi ceux qui n’ont point admis le criterium, ou la règle de la vérité. Je ne comprends point, que ni Démocrite, ni Métrodore, ni aucun autre, aient jamais pu extravaguer jusques au point de soutenir qu’ils ne savaient pas s’il y avait quelque chose ; car ils ne pouvaient point douter qu’ils ne doutassent, ni s’imaginer que ce qui doute n’est rien, ou n’existe pas. Il faut donc dire qu’ils prétendaient excepter leur propre existence.

Notez qu’Aristoclés peut confirmer le sens que M. Ménage donne aux paroles de Cicéron ; car, après avoir observé que Métrodore de Chios admettait comme Démocrite son maître, le plein et le vide pour les deux principes, l’un en qualité d’être, l’autre en qualité de néant [4], il ajoute que son livre de la Nature commençait ainsi : Οὐδεὶς ἡμῶν οὐδεν οἶδεν, οὐδ᾽ ἀυτὸ τοῦτο πότερον οἴδαμεν, ἢ οὐκ οἴδαμεν. Nemo nostrûm quidquàm novit, ne hoc ipsum quidem utrum aliquid noverimus necne. On ne peut pas prétendre que Métrodore se contredisait, assurant cela d’un côté, et soutenant de l’autre qu’il ne faut ajouter foi qu’aux sensations et aux imaginations [5]. Ces deux doctrines s’accordent fort bien ensemble. Il disait que toutes choses sont dans un flux perpétuel, et que

  1. Diog. Laërt., in Anaxarcho, lib. IX, n. 58.
  2. C’est dans mon édition le IIe. livre, folio 207, D.
  3. Sextus Empiricus adversùs Mathem., pag. 146, 153.
  4. Aristocles, apud Eusebium, Præpar, Evangel., lib. XIV, cap. XIX, pag. 765.
  5. Idem, apud eumdem, ibidem, cap. XX, pag. 766.