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MEMNON.

res de religion, comme fit Catherine de Médicis ! « Avant trouvé au roi quelque doute, la reine, entre autres propos, pour l’encourager y apporta ces paroles : Vaut-il pas mieux, dit-elle, déchirer ces membres pouris, que le sein de l’Église, épouse de Notre-Seigneur ? Elle acheva par un trait pris aux sermons de l’évêque de Bitonte, en le citant. Che pieta lor ser crudele ? che crudelta lor ser pietosa [1] ? » Revenons à Memnon. Après la bataille du Granique, il se retira à Milet [2] : il défendit en brave et habile général la ville d’Halicarnasse ; et n’ayant pu contraindre l’ennemi à lever le siége, il laissa une bonne garnison dans la citadelle, et transporta dans l’île de Cos les habitans avec leurs effets [3]. Il songeait toujours au dessein dont il avait fait l’ouverture dans le grand conseil de guerre ; et afin de s’acquérir une pleine confiance dans l’esprit de Darius, il avait envoyé à la cour de Perse sa femme et ses enfans, comme un gage de sa fidélité [4]. Avant reçu de grandes sommes d’argent, et la charge de généralissime [5], il fit des préparatifs extraordinaires par mer et par terre ; il subjugua l’île de Chios et celle de Lesbos ; il menaça celle d’Eubée ; il noua des intelligences avec les Grecs ; il en corrompit plusieurs par ses présens ; en un mot, il se préparait à tailler beaucoup de besogne aux ennemis de son roi, dans leur pays, lorsqu’une maladie le vint saisir, et le tira de ce monde en peu de jours. Chium itaque sibi adjungit, et Lesbum cum classe petens, Antissam, Methymnum, Pyrrhum, et Eressum, non magno negotio, capit. Sed Mitylenen et Lesbum, quia major erat, magnoque apparatu et propugnatorum multitudine probè instructa, per multos dies oppugnatam, post magnam suorum jacturam difficulter tandem expugnat. Cujus strenuitatis fama, cum subito percrebuisset, Cycladum insularum pleræque de pactionibus ineundis legationes miserunt. Rumor tunc allapsus erat Græciæ, Memnonem totâ cum classe Eubœam invasurum : unde factum, ut magno Insulæ civitates metu perculsæ essent, et Græcorum nonnulli Persarum societatem amplexi, animos rerum novarum spe arrectos haberent. Huc accessit, quod Memnon Græcorum non paucis largitione corruptis, ut suas ad Persarum spes aggregatas vellent, persuaserat. Atqui viri hujus virtutem ad ampliora progredi fortuna non permisit, cùm enim in valetudinem adversam incidisset, periculoso quodam morbo correptus, è vitâ decessit, ejusque morte res Darii labefactatæ sunt. Rex enim totam belli molem ex Asiâ in Europam translatum iri speraverat [6].

(B) La conduite d’Alexandre à son égard. ] Ce jeune prince, passant avec son armée proche des terres de Memnon, défendit sévèrement à ses soldats d’y faire le moindre désordre. Son but était, ou de le rendre suspect aux Perses, ou de l’attirer dans son parti. Alexander quùm inter progrediendum agrum à rege Persarum Memnoni dono datum adtigisset, maleficio [* 1] abstineri jubet, colonisque et fructibus parci : callido commento suspectum facturus hominem industrium, et quem [* 2] ex omnibus hostem ducibus unum non contemneret ; si in suas partes transducere nequivisset. Quùmque lenitatem regis admirati quidam, acerrimum [* 3] callidissimumque Macedonum hostem, quamprimùm in potestatem redactus esset, interficiendum, atque interim quibus posset cladibus vexandum esse dicerent : quin, inquit, potiùs beneficiis supplantamus hominem ; et amicum ex inimico facimus, eâdem virtute et solertiâ pro nobis staturum [7]. Je mets en note les paroles de Quinte-Curce que Freinshémius a indiquées [8].

(C) Il châtia un soldat qui médisait d’Alexandre. ] Je ne t’ai pas pris à

  1. (*) Polyæn., 4, 3, 15.
  2. (*) Curtius, 3, 2, 21.
  3. (*) Themist., orat. 9.
  1. D’Aubigné, tom. II, liv. I, chap. IV, pag. m. 542.
  2. Diod. Siculus, lib. XVII, cap. XXII.
  3. Idem, ibidem, cap. XXIV et seq.
  4. Idem, ibidem, cap. XXIII.
  5. Idem, cap. XXIX.
  6. Ibidem, pag. m. 834, 835.
  7. Freinshemius, in Supplem. ad Curt., lib. II, cap. V, initio.
  8. Nondùm Memnonem vitâ excessisse cognoverat (Alexander) in quem omnes intenderat curas, satis gnarus cuncta in expcdito fore si nihil ab eo moveretur.