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MÉLANCHTHON.

paru sous le nom de Paul Dolscius [1], a cru que l’Ecclésiastique et les Psaumes traduits en vers grecs sont l’ouvrage de Mélanchthon, quoiqu’on y voie à la tête le nom de Paul Dolscius. Cette pensée de M. Placcius, adoptée par M. Teissier [2] et par M. Crénius [3], s’est trouvée fausse. M. Lysérus [4], conseiller ecclésiastique de S. A. E. monsieur le duc d’Hanovre, a prouvé que le Psautier, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, traduits en vers grecs, et la Confession d’Augsbourg mise en prose grecque, appartiennent effectivement à Paul Dolscius [5], dont elles portent le nom. Voyez la lettre qu’il a écrite à M. Crénius [6]. Notons une négligence de Melchior Adam. Il assure qu’en 1559 Mélanchthon écrivit en grec au patriarche de Constantinople, et lui envoya un exemplaire de la version grecque de la Confession d’Augsbourg [7], laquelle version, ajoute-t-il, avait été composée par Mélanchthon, quoiqu’elle eût été publiée sous le nom de Dolscius. Tout aussitôt il cite ceci : Mitto tibi interpretationem græcam Confessionis sinè meo consilio editam. Probo tamen phrasin, ac misi Constantinopolim [8]. Ces paroles sont de Mélanchthon, et montrent qu’il n’avait pas fait cet ouvrage. C’est pourquoi nous pouvons dire que Melchior Adam produit un témoin contre lui, en pensant prouver ce qu’il avait affirmé.

On prétend que Mélanchthon s’est quelquefois appelé Hippophilus Melangœus [9] : je n’ai rien vu de lui sous ce masque-là [* 1]

(P) Le cardinal Bembus demanda trois choses qui méritent d’être rapportées. ] Mélanchthon lui écrivit une lettre pour lui recommander George Sabinus qui allait voir l’Italie [10]. Le cardinal fit beaucoup de cas de cette recommandation ; il fit des honnêtetés à Sabinus, et le pria à dîner. Il lui demanda plusieurs choses pendant le repas, et nommément ces trois-ci : Quels sont les gages de Mélanchthon ? Quel est le nombre de ses auditeurs ? Quel est son sentiment sur l’autre vie et sur la résurrection ? Sabin répondit à la première demande, que les gages de Mélanchthon n’étaient que trois cents florins par an. Oh que l’Allemagne est ingrate, s’écria le cardinal, puisqu’elle achète à si bon marché tant de travaux d’un si grand homme ! La réponse à la seconde demande fut que Mélanchthon avait ordinairement 1500 auditeurs. Je ne le saurais croire, répliqua le cardinal, je ne connais dans toute l’Europe aucune académie, hormis celle de Paris, où l’auditoire d’un professeur soit si nombreux. Néanmoins Mélanchthon a eu souvent 2500 personnes à ses leçons. On répondit à la troisième demande, que les écrits de Mélanchthon témoignaient assez la plénitude de sa foi sur ces deux articles. J’aurais meilleure opinion de lui, répliqua le cardinal, s’il ne croyait point cela [11]. Je vous donne cette historiette comme je la trouve dans Melchior Adam.

  1. * Schelhorn, dans le tome VII de ses Amœnitates lit. pag. 109, dit que, dans l’Index Librorum prohibitorum, on voit un Hippophili Melangæi theologiæ compendium, et ajoute qu’il conjecture que sous ce même nom, Mélanchthon a publié des Lieux Communs. Joly, qui cite Schelhorn. rapporte qu’en effet, dans le Catalogue des livres censuré par la faculté de théologie de Paris, 1549, in-24, outre le Theologiæ Compendium, on voit un Commentaire de Mélanchthon sur saint Matthieu, imprimé sous le nom d’Hippophilus Melangæus. Ces deux ouvrages sont encore dans l’Index librorum prohibitorum ac expurgandorum novissimus pro universis Hispaniarum regnis, Madrid, 1747. in-folio, et dans l’Index librorum prohibitorum Innocentii XI pontificis maximi jussu editus, Rome, de l’imprimerie de la chambre apostolique, 1681, in-8°. Il est vrai que dans aucun de ces Index on n’indique le format ni la date de ces ouvrages ; mais l’infaillibilité papale ne permet pas de douter de leur existence. Joly dit que dans les tomes XII et XIV des Aménités littéraires, de Schelhorn, on trouve quelques lettres de Mélanchthon qui n’avaient pas encore été imprimées.
  1. Hoornbeek, Summa Controv., lib. II, pag. 979, edit. 2.
  2. Teissier, Addit. aux Éloges, tom. I, pag. 192.
  3. Crenius, Animadv. Philolog. et Hist., part. II, pag. 23.
  4. Arrière-petit-fils de Polycarpe Lysérus, tom. IX. pag. 272, dont j’ai donné l’article.
  5. Il a été recteur du collége de Hall en Saxe, et puis médecin, et enfin bourgmestre de la même ville. Il mourut l’an 1589.
  6. Elle est à la fin de la IIIe. partie des Animadversiones de M. Crenius.
  7. Melch. Adam., in Vit. Theolog., pag. 351.
  8. Melanchth., epist. ad Bordingum, apud Melchior. Adamum, ibidem.
  9. Voyez Moréri, au mot Mélanchthon, et M. Baillet, dans la Liste des Auteurs déguisés.
  10. M. Adam., in Vit. Theol., pag. 360.
  11. Haberem virum prudentiorem si hoc non crederet. Idem, ibidem.