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MECQUE.

furent chassés de la Mecque par Cosa [1]. « Et depuis ce temps-là, les Corashites eurent l’entière possession de la Mecque ; et Cosa, et sa postérité en droite ligne jusqu’à Mahomet, eurent toujours après la présidence du temple et le gouvernement principal de la ville [2]. » Cosa était le quatrième aïeul de Mahomet.

(C) On fit des contes touchant la protection miraculeuse que le Ciel avait accordée à ce lieu sacré. ]« Environ soixante-dix ans avant Mahomet, il régnait, parmi les Homérites, qui étaient une nation ancienne des Arabes vers le midi de la Mecque, un certain roi nommé [* 1] Du Nawas, qui, ayant embrassé la religion des juifs, persécutait celle des chrétiens, établie dans ces quartiers-là depuis plus de trois cents ans, et fit tout ce qu’il put pour la détruire entièrement dans tout son royaume [3]. ..... Cette persécution obligea beaucoup de chrétiens homérites à fuir en Éthiopie pour se mettre en sûreté. Ils s’y plaignirent au roi de cette cruelle persécution, et ce prince étant chrétien, voulut bien envoyer pour les secourir une armée de soixante-dix mille hommes, commandée par son oncle Aryat [* 2], qui, ayant défait Du Nawas dans une bataille, le poursuivit avec tant de vigueur qu’il le força de se jeter dans la mer, où il périt. Là-dessus le royaume des Homérites tomba entre les mains des Éthiopiens, et Aryat le gouverna vingt ans. Il eut pour successeur Abraham al-Ashran, qui, ayant bâti une fameuse [* 3] église à Sanaa, capitale des Homérites, beaucoup d’Arabes s’y rendaient pour assister au culte chrétien : de manière que le temple de la Mecque commençait d’être négligé, et l’on voyait tomber en décadence le culte païen, qu’un si grand concours de peuple de toute l’Arabie y avait jusque-là observé. Ce changement affligeait beaucoup ceux de la Mecque : car ils tenaient leur principal soutien du grand abord qu’il y avait tous les ans des pèlerins, qui, suivant leur coutume, y allaient pour adorer leurs divinités païennes, et pour s’acquitter des cérémonies dont la solennité y faisait venir beaucoup de monde de tous les endroits d’Arabie. Ainsi, pour témoigner l’indignation qu’ils avaient conçue contre cette église, qui menaçait leur bien public d’une entière ruine, il y en eut quelques-uns qui, étant allés à Sanaa, entrèrent secrètement dans l’église, et eurent l’impudence de la souiller avec outrage de leurs excrémens. Abraham en fut si irrité, que, pour se venger de cet affront, il jura la ruine du temple de la Mecque ; et, pour effectuer ce qu’il avait juré, il s’achemina vers la place, qu’il assiégea avec une armée nombreuse. Mais n’étant pas en état de venir à bout de son dessein, apparemment faute de provisions qui étaient nécessaires pour le nombre des troupes qu’il avait dans un pays si désert et si stérile, il fut obligé de retourner sur ses pas avec perte ; et parce qu’il avait plusieurs éléphans dans son armée, cette guerre fut appelée la guerre de l’éléphant : et l’on appela l’époque dont ils se servaient pour compter depuis ce temps-là, l’époque de l’éléphant. C’est à cette guerre que l’Alcoran fait allusion dans le chapitre 105, qu’on appelle le chapitre de l’éléphant, où Mahomet dit comment le Seigneur traita ceux qui vinrent montés sur des éléphans, pour ruiner le temple de la Mecque, qu’il rompit leurs desseins perfides, et envoya contre eux de puissantes armées d’oiseaux, qui, en leur jetant des pierres sur la tête, les rendaient semblables au grain des champs que les bêtes détruisent et foulent aux pieds. C’est

  1. (*) Abul-Féda Al-Masudi. Ecchelensis Hist. arab., part. 1, c. 10. Pocockii Spec., Hist. arab., pag. 62.
  2. (*) Al-Jannabi Ahmed. Ebn Yusef. Ecchelensis, Hist. arab., part. 2, c. 1. Pocockii Spec., Hist. arab., pag. 63.
  3. (*) Abul-Féda, Al-Jannabi Ahmed. Ebn Yusef. Zamchshari Bidawi, et Jolalani in Commentar. ad cap. 105. Alcorani. Pocockii Spec., Hist. arab., pag. 64. Golii notæ ad Alfraganum, pag. 54.
  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 3.
  2. Là même, pag. 4.
  3. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 79.