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MECQUE.

douze au septentrion, de dix-huit au couchant, et de vingt-quatre au midi : cependant les voleurs se moquent de cette défense, et pillent partout où ils peuvent ; et cela oblige assez souvent les voyageurs et les pèlerins à porter des armes en ces endroits-là, pour se garantir des insultes de ces brigands [a]. Un auteur que j’ai déjà nommé assure que la Mecque est située proche du fleuve Bétius, nommé aujourd’hui Chaïbar [b]. Néanmoins, peu de lignes après, il dit que toute l’eau de cette ville était dans le puits de Zemzem (G), et dans les citernes où l’on conservait la pluie ; mais qu’au siècle passé l’on en avait fait venir de la montagne d’Arafat par le moyen d’un aquéduc qui avait coûté de grandes dépenses [c]. Voyez la remarque (G). Nous dirons quelque chose du prince à qui la Mecque appartient (H).

  1. Gabr. Sionita et Joh. Hesron., de nonnullis Oriental. Urbibus, pag. 20.
  2. Baudrand, pag. 696.
  3. Baudrand, pag. 696 : il cite Golius, (il fallait dire Golius ) Not. in Alfraganum.

(A) Elle avait un temple qui n’était pas moins vénéré entre les Arabes, que celui de Delphes entre les Grecs. ] Cette comparaison m’est fournie par M. Prideaux : on va lire ses paroles [1]. « Quant au temple de la Mecque et ce qu’il était avant Mahomet, voici au vrai ce qui en est. C’était un temple païen pour lequel les Arabes avaient la même vénération que les Grecs avaient pour celui de Delphes, où toutes leurs [* 1] tribus, pendant l’espace de plusieurs siècles, allaient, une fois tous les ans, rendre leurs hommages idolâtres à leurs dieux, jusqu’à ce qu’enfin Mahomet les ayant forcés à changer leur idolâtrie en une autre religion tout-à-fait aussi méchante, fit aussi subir à ce temple le même changement, en ordonnant qu’après ce temps-là ce serait le lieu principal où l’on rendrait le faux culte qu’il leur avait imposé, de la même manière qu’il l’était auparavant de celui qu’il avait aboli, et ce temple a depuis continué toujours sur le même pied. » Au commencement de son imposture, il ordonna à ses disciples qu’ils eussent à prier, leurs [* 2] faces tournées vers Jérusalem, qu’il appelait la Sainte Ville, la Ville des prophètes, où il prétendait établir ses pèlerinages, et y faire le lieu principal du culte de sa secte. Mais trouvant que ses sectateurs gardaient toujours un respect superstitieux pour le temple de la Mecque, dans lequel les Arabes avaient rendu pendant plusieurs siècles leurs adorations publiques à des idoles, et que ce serait un moyen très-efficace pour se concilier ses citoyens, s’il conservait leur temple dans son ancienne splendeur, il changea cet ordre pour servir à son dessein ; c’est pourquoi il commanda à ses disciples de regarder droit à la [* 3] Mecque dans leurs prières, et établit le temple de ce lieu-là qui, à cause de sa forme carrée, fut appelé le Caaba, ce mot en arabe signifiant carré, pour être la place principale du culte de tous ceux de sa religion, et l’endroit où devaient se faire tous les pèlerinages religieux, comme ils se faisaient autrefois [2]. L’auteur venait de dire [3] que c’était la coutume de tous ceux du Levant, de quelque religion qu’ils fussent, d’observer un certain point des Cieux, vers lequel ils tournaient leurs faces quand ils priaient. En quelque partie du monde que fussent les juifs, [* 4] ils priaient toujours la face tournée du côté de Jérusalem, parce

  1. (*) Sharestani Golii notæ ad Alfraganum, pag. 8 et 9. Makrisi Pocchii Spec., Hist. Arab., pag. 177 et 311.
  2. (*) Abul-Féda, Abul-Faraghius, pag. 102. Johannes Andreas, c. 6 ; Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 175.
  3. (*) Alc., c. 2 : Johannes Andreas, c. 2 et 6.
  4. (*) Daniel., c. 6, vs. 10. Ruxtorfii Synagoga Judaïca, c. 10. Maimonides in Halachoth Tephillab., c. 1, sect. 3.
  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 96, édition d’Amsterdam, 1698.
  2. Prideaux, Vie de Mahomet, p. 92, 93.
  3. Là même, pag. 92.