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MAUSOLE.

de souplesse pour s’enrichir à leurs dépens (B). Il s’engageait pour de l’argent à toutes sortes de mauvaises actions (C). Il ne faut donc point s’étonner que sa conduite ait été quelquefois contraire aux intérêts de la cour de Perse, et qu’elle lui ait attiré de ce côté-là plusieurs fâcheux embarras[a]. Il fut fort mêlé dans la guerre qu’on appela Sociale (D), et qui commença dans la 105e. olympiade, entre les Athéniens d’une part, et ceux de Rhodes, de Chios, de Cos et de Byzance de l’autre. Ce fut lui qui trama cette ligue contre les Athéniens[b]. Entre autres exploits il changea durant cette guerre la démocratie de Rhodes en aristocratie. Mais ni ses conquêtes, ni sa bonne mine, ni sa bravoure, ni aucune de ses actions, ne l’ont immortalisé comme a fait sa femme[c], par le tombeau magnifique qu’elle lui fit construire, et par la tendre amitié qu’elle conserva pour sa mémoire. Nous en avons parlé dans l’article d’Artémise. Mausole mourut la dernière année de la 106e. olympiade, comme nous l’avons montré dans les remarques du même article. Il avait eu des prédécesseurs dont nous connaissons le nom (E), et il eut des successeurs dont le nom est aussi parvenu jusques à nous. Le médecin qui guérit Mausole demanda une grande récompense, mais en honnête homme (F).

La maison de Mausole, dans Halicarnasse était bâtie de briques, et incrustée de marbre. Pline ne connaissait point de plus ancien bâtiment que celui-là que l’on eût orné de cette espèce d’incrustation ; cela le porte à conjecturer que l’art de scier le marbre fut une invention des Cariens. Il ne l’affirme pourtant pas. Cette maison subsistait encore du temps de Pline. Voyez les preuves de tout ceci dans la remarque (G).

  1. Voyez la Harangue d’Isocrate ad Philippum, à l’endroit où il est parlé d’Idriée et de son frère. Ce frère était notre Mausole.
  2. Libanius, in argum. Orat. Demosth. pro libert. Rhodior.
  3. Voyez Lucien, Dia Mort. Diog. et Maus.

(A) Roi de Carie. ] Aulu-Gelle a observé que Cicéron lui donne ce titre, mais que quelques historiens grecs lui en donnent un moins honorable. Mausolus fuit, ut M. Tullius ait, rex terræ Cariæ ; ut quidam Græcarum historiarum scriptores provinciæ Græciæ præfectus, Satrapen Græci vocant[1]. Je ne sais point qui sont ceux qui l’ont appelé gouverneur d’une province de la Grèce : le mot satrape, qui est persan, est seul capable de prouver, ou qu’Aulu-Gelle se trompe, ou que ce n’est point lui qui a dit provinciæ Græciæ. Charles Étienne, ni MM. Lloyd et Hofman, n’ont point formé de mauvais soupçons contre ce passage ; ils en citent la dernière partie sans y rien changer. Isocrate[2] a donné à Hécatomne, père de Mausole, le nom de Καρίας ἐπίςαθμος, c’est-à-dire, selon la paraphrase d’Harpocration, Cariæ satrapes. Mausole est appelé par le même Harpocration et par Suidas, ἄρχων Καρῶν, imperans Caribus ; par Libanius, Καρίας ὕπαρχος, Cariæ præfectus[3] ; mais par Polyænus[4] et bien d’autres, βασιλεὺς Καρίας, rex Cariæ.

(B) Il usait de tours de souplesse pour s’enrichir aux dépens de ses amis. ] Lisez sur cela Polyænus[5] et

  1. Aul. Gellius, lib. X, cap. XVIII.
  2. In Panegyr.
  3. Argum. Orat. Demosth. pro Rhod.
  4. Polyænus, Stratag., lib. VII, c. XXIII.
  5. Idem, ibidem.