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MAUSOLE.

(A) Surnommé l’Angevin. ] Il signe ainsi tout court l’épître dédicatoire de son Nouveau Tristan, et il met au titre de ce livre-là, fait Françoys par Jean Maugin, dit l’Angevin. Cela montre qu’il était beaucoup plus connu sous le nom du pays natal que sous son nom de famille. Il était d’Angers, à ce que dit la Croix du Maine, qui ajoute qu’on le surnommait le petit Angevin [1]. Du Verdier Vau-Privas a fait la même remarque. S’il eût eu en ce temps-là un écrivain nommé Maugin, natif d’une autre province, ou natif du pays d’Anjou, mais plus considérable que lui, ou par sa taille ou par son mérite, le surnom de quoi je parle ne serait pas de mauvais augure ; mais puisque notre Jean Maugin n’avait point de contemporain qui fît des livres, et qui eût le même nom que lui, on peut croire raisonnablement qu’il était de basse extraction et de petite stature. Un laquais, un garçon tailleur, etc., porte plus souvent le nom de sa province que celui de sa famille ; et il n’est point sans exemple qu’un valet soit devenu poëte et auteur, même distingué.

(B) L’épître dédicatoire de son Nouveau Tristan commence par une raillerie que l’on verra ci-dessous. ] « Mon seigneur, ç’a esté presque l’argument commun de tous les François qui ont mis leurs compositions en lumiere depuis vingt ans, proposer, ou qu’on avoit derobé leurs copies, ou que l’importunité de leurs amis les forçoit et contraignoit à l’impression d’icelles. Je sçais combien la modestie et vergongne sont loüables : mais mettre en leur rang une simplicité et defiance de soy, cela m’a semblé tant ridicule et moquable, que n’ay voulu ne peu en abuser : ores qu’entre aucuns il soit tenu pour opinion et coustume. À ceste cause, et au rebours d’eux, ay eu tousjours intention et desir : mesmement des l’heure, que fistes celle humanité et grace de me tirer d’une captivité et prison, et la liberté et franchise de vostre service, vous faire paroistre et donner chose de ma plume, qui vous apportast tel plaisir, qu’eusse bonne occasion de m’en contenter [2] ». Après l’épître dédicatoire, on voit une ode à M. de Maupas, de laquelle je n’en vais citer une stance qui pourra faire penser à quelques-uns que Maugin avait été délivré des prisons du Châtelet.

Maugin fut par vous racheté
D’enfer [3], dont mit sa liberté
Toute à vostre commande :
Oultre il vous donne ses labeurs
(Meurdriers de ses vieigles douleurs)
N’ayant chose plus grande.


Au reste, la coutume dont Maugin se moque a duré jusques à nos jours. Une infinité de préfaces le témoignent ; mais aussi on a vu de temps en temps quelques préfaces ou quelques épîtres dédicatoires qui prenaient un tout autre tour. Les auteurs y reconnaissent qu’ils publient de leur propre mouvement ce qu’ils ont écrit. La sincérité n’est pas la seule raison qui leur fait tenir ce langage ; ils ont envie de railler ceux qui se plaignent d’avoir été violentés.

  1. La Croix du Maine, Biblioth. française, pag. 244.
  2. Maugin, épître dédicatoire du Nouveau Tristan.
  3. Par allusion peut-être au poëme que Marot intitula l’Enfer.

MAUSOLE, roi de Carie (A), est plus connu comme mari d’Artémise, que par aucun autre endroit : encore que pendant un règne de vingt-quatre ans il se soit fort intrigué, et se soit rendu formidable [a]. À l’exemple de ses prédécesseurs, il s’attacha beaucoup plus au parti des Perses qu’à celui des Grecs ; et l’on voit [b] qu’en faveur des Perses, mais surtout par l’envie de s’enrichir, il exerça beaucoup de pirateries sur les îles de son voisinage. C’était un homme qui en prenait à toutes mains, et qui ne faisait point d’autre quartier à la bourse de ses meilleurs amis, que celui d’user de tours

  1. Diod. Sicul., lib. XIV.
  2. In argumento Orationis Demosth. contrâ Timocrat.