Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
MARTINI.

son vol, consiste dans quelques changemens d’expression et de division des chapitres, dans le tour du dialogisme, et dans de fréquentes citations d’un rabbin [1] inconnu à Martimi et à Porchet, et aux juifs aussi. Plagium sanè portentosum cui vix simile unquàm factum est, nam Galatini liber nihil aliud est quàm Porcheti exscriptio ipsissimis Porcheti verbis, atque etiam Hebræorum textuum translationibus conservatis, hoc si excipias, quòd elegantiæ causâ quædam verba et verborum constructiones immutantur. Est enim Porcheti phrasis Galatiniana multò simplicior. Deindè alius est ordo Galatini et minutiùs distinctus, ideò ex uno Porcheti capite duo vel tria componit et variè digerit, in quâ dialogicâ sermocinatione alium paulò colorem inducit.... Non id tantùm semel deprehendimus, sed toties quotes id periclitati sumus, mirati sanè Galatinum Porcheto reconditæ Judæorum Historiæ nihil superaddere præter frequentia testimonia ex libello, etc. [2]. Galatin dédia son livre à l’empereur Maximilien Ier., et ne croyait pas que l’ouvrage de Porchet dût être imprimé sitôt. Disons même qu’il espéra que jamais ce manuscrit ne verrait le jour ; car il était extrêmement rare ; mais Augustin Justiniani, évêque de Nébio, ne laissa pas de le trouver à force d’argent, et de le publier à Paris, en l’année 1520, sous le titre de Victoria Porcheti adversùs impios Hebræos.

(C) Joseph Scaliger a fait quelques fautes. ] Il a cru, 1°. que l’auteur du Pugio fidei s’appelait Raymond Sébon ; 2°. que Raymond Sébon a été dominicain, et qu’il vivait à Toulouse, environ l’an 1376 ; que Galatin a pillé immédiatement le Pugio fidei. C’est ce que l’on peut voir dans ses lettres, où il parle deux fois de cela à Casaubon [3], et une fois à Thomson [4]. Scito illos libros (Galatini) esse compendium duorum ingentium voluminum quibus titulum Pugionem fidei fecit auctor Raymundus Sebon monachus dominicanus, eximius philosophus. C’est ce qu’il dit dans la lettre LXXXIV. Il le confirme ainsi dans la XCIII. De Galatino scito me vera dixisse, nam non solùm illa omnia è Raymundo Sebone expiscatus est, sed et opus ejus nihil aliud est quàm breviarum Pugionis fidei, ita enim opus suum doctissimns dominicanus ille inscripserat qui Tholosæ antè CC plus minùs annos scribebat, ejusque operis duo ingentes tomi in collegio Fuxensi ejusdem civitatis antè annos xxi quùm ego ibi essem, extabant. Cum judicio tamen illi libri legendi sunt, qui utinàm typis excusi essent. Hoc unicum exemplum, præter aliud quod penès Matthæum Beroaldum fuit, Tholosæ extare scio. Dans la lettre CCXLI, écrite en 1606, deux ans après la XCIII, il change quelque chose à l’âge de Raymond Sébon, qui antè ccxxx plus minus annos, dit-il, Tholosæ vivebat. Le père Morin [5] remarque contre Scaliger, que Raymond Sébonde, qui ne paraît pas avoir entendu la langue hébraïque, a été de cent ans plus jeune que Raymond Martini, le véritable auteur du Pugio fidei. Il ajoute qu’il y a pour le moins trois siècles que ce Martini a écrit son livre, puisque Nicolas de Lyra en parle. Il montre aussi que Galatin n’a volé immédiatement que Porchet. M. de Maussac a compté encore plus exactement les fautes du grand Scaliger [6] : il ne s’est pas contenté de dire que Raymond Sébonde n’a été ni moine, ni savant aux langues orientales, et que selon Trithème et Simler [7] il mourut l’an 1432 ; il a dit aussi, que le manuscrit de Raymond Martini dans le collége de Foix comprend trois volumes, et qu’outre celui-là, et l’exemplaire de Béroalde, il y en a un à Naples, un aux dominicains de Toulouse, un à Barcelone, et un à Majorque. Si l’on voulait être aussi rigoureux envers M. de Maussac qu’il l’a été envers Scaliger, on lui dirait qu’il attribue sans raison à Scaliger la première découverte des voleries de

  1. On l’appelle Rabenu Hakados, et son livre Gale Razéia, selon le père Morin. D’autres disent Hakkadosch.
  2. Johan. Morinus, Exercit. Biblic. I, lib. I, cap. II, pag. m. 16. Vide etiam pag. 19.
  3. Epist. LXXXIV et XCIII.
  4. Epist. CCXLI.
  5. Exercitat. Biblic., pag. 19.
  6. Vide Prolegomena ad Pugionem fidei.
  7. Epit. Biblioth. Gesner. ; mais il dit claruit, et non pas obiit anno 1430, Il eut mieux valu citer Gesner même.