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MAROT.

M. Francois Mizière Poictevin D. M. son ami, qui aimant la mémoire de l’auteur et la conservation de ses œuvres plus graves et moins lascives, en a voulu prendre la peine, par manière de récréation et relâche d’autres études plus sérieuses, s’étant en outre efforcé d’amplifier et éclaircir une bonne partie des petits titres en souscription, de chacun poëme ou sujet, par l’addition qu’il y a faite des circonstances convenables ; à savoir, à qui, de qui, de quoi, en quel lieu, en quel temps, et l’occasion pourquoi ils ont été écrits : voire autant qu’il l’a pu apprendre par l’histoire, de ce temps-là, et par l’édition d’Étienne Dolet, de l’an 1543, et autres précédentes, selon lesquelles ils ont été restitués là où ils avaient été ôté par quelques imprimeurs, qui tronquent trop hardiment les écrits des auteurs, et en ôtent leurs épîtres liminaires ou préfaces [1], empêchant par-là que les lecteurs ne comprennent plus aisément leur intention, avec l’ordre et procédure qu’ils tiennent en leurs livres, que presque toujours ils découvrent en leurs dites préfaces ou épîtres [* 1].

(S) Ce que j’ai dit [2] de certaines éditions du Psautier des protestans de Genève sera un peu augmenté. ] J’ai cité deux ministres [3], qui ont dit que Charles IX accorda un privilége pour l’impression de ce Psautier à Antoine Vincent, libraire de Lyon. Ce privilége est daté du 14 octobre 1562, à ce que dit l’un de ces ministres ; mais selon l’autre il fut donné l’an 1561. J’apprends de M. Daillé [4] ; qu’on l’expédia à Saint-Germain-en-Laie, le 19 octobre 1561 ; que Robertet, l’un des secrétaires d’état, y soussigna, et que ces Psaumes furent imprimés à Paris, l’an 1562, chez Adrien le Roi, chez Robert Balard, chez Martin le jeune, et chez Robin Motet ; et à Lyon, chez Jean Destournes. Par cette date on convainc de fausseté une observation de M. Jurieu [5] ; car il n’est pas vrai que le mois d’octobre 1561 ait été le temps où la ferveur des persécutions fut violente. C’était le temps du colloque de Poissi : les affaires de ceux de la religion n’allaient pas trop mal alors. Il ne sera pas inutile d’observer à quel propos M. Daillé fait mention de ce privilége des Psaumes. Il avait à répondre à une harangue que le clergé avait faite au roi Louis XIII, l’an 1636, dans laquelle on reprochait entre autres choses aux huguenots d’avoir effacé de leurs Psaumes un certain endroit qui contenait une prière pour le roi [6]. L’évêque d’Orléans portait la parole, et récita ces vers de la première version :

Seigneur plaise toi de defendre
Et maintenir le roi :
Veuille nos requestes entendre
Quand nous crions à toi.


Il prétendit qu’il n’y avait pas longtemps que les prétendus réformés avaient changé ces quatre vers-là en ceux-ci :

Seigneur plaise toi nous defendre
Et faire que le roi
Puisse nos requestes entendre
Encontre tout effroi.


Sa déclaration là-dessus fut très-violente. Je laisse ce que M. Daillé répondit quant au principal, c’est-à-dire pour faire voir que le texte hébreu est plus conforme à la dernière version qu’à la première, qui est selon la vulgate ; je dis seulement qu’il observa que la dernière version est celle qui a toujours été suivie depuis que les réformés obtinrent la première liberté de conscience par l’édit de janvier 1562. Il montre que c’est la version qui parut dans le Psautier imprimé avec le privilége que Charles IX accorda le 19 d’octobre 1561. Il avoue que la première manière de traduire est dans quelques éditions ; mais il dit qu’elles n’avaient pas été de l’usage des églises réformées, ou qu’elles ne l’avaient été que peu de temps. Il en avait vu une, qui

  1. * L’édition la plus ample, comme dit Bayle, des Œuvres de Marot, est celle que l’on doit à Lenglet Dufresnoy, la Haye, 1731, quatre volumes in-4°. ou six volumes in-12.
  1. Voyez par-là combien est invétérée la coutume dont on se plaint encore aujourd’hui, comme on le peut voir dans la remarque (F) de l’article Alexander ab Alexandro, tom. I, pag. 444.
  2. Dans la remarque (N).
  3. Jurieu et Bruguier.
  4. Dallæus, Respons. apologet. ad Aurelianensis episcopi Orationem, pag. 261.
  5. Voyez ci-dessus, remarque (N), citation (77).
  6. C’est au psaume XIX, selon la Vulgate, et au XXe., selon l’hébreu.