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MARILLAC.

cela difficilement à des personnes qui ne s’arrêtent point aux préjugés, et qui ne se rendent qu’à la certitude (A). Je ferai quelques observations là-dessus [a], et je n’imagine qu’on ne trouvera pas mauvais que je mette ici une partie des choses que M. du Châtelet publia au désavantage de ce maréchal. On en croira ce qu’on voudra ; et comme il était son ennemi, je consens qu’il passe pour un témoin très-suspect. Je ne donnerai ces choses que comme des médisances qu’il a débitées, non pas dans cette satire latine en prose rimée [b], où le jeu de l’imagination pouvait avoir trop de part ; mais dans un écrit sérieux et grave, où il réfute les apologistes de son ennemi. Il dit donc [c], que le père du maréchal de Marillac « passa de la charge de maître des comptes à celle de contrôleur général des finances, et laissa fort peu de bien à ses enfans. Celui-ci vint dans le monde avec le corps et l’esprit assez adroits, et s’occupa principalement aux exercices, qu’il apprit en perfection. N’étant pas assez riche pour subsister de lui-même, il était ordinairement auprès du marquis de Cœuvre, qui, en la plus haute faveur de la duchesse de Beaufort, eut bien de la peine à lui sauver la vie, et à obtenir son abolition, après le meurtre de Caboche, qu’il avait tué pour un faible sujet et hors d’état de se défendre. Ces grandes obligations l’attachèrent encore plus étroitement auprès de son bienfaiteur, qui lui confia le secret de ses amours, et pour ne s’y être pas fidèlement comporté, rompit tout commerce avec lui. Il vécut depuis dans la cour sur sa bonne mine, et sous le nom du beau Marillac, cherchant toutes occasions de faire paraître son adresse et sa belle taille en public, et se rendre agréable au feu roi, qui pourtant le traita toujours d’homme de peu, et chez Zamet le fit sortir un jour de sa table, où il s’était mis avec beaucoup d’autres. Toutes ces mauvaises aventures ne l’empêchèrent pas de donner dans les yeux d’une fille de la reine (B). » Il l’épousa, et il crut, après la mort d’Henri IV [d], que sous le gouvernement des femmes les choses extérieures et les apparences des vertus conjointes aux petits soins, cajoleries, assiduités, et complaisances, lui donneraient tout ce qu’il n’avait pu obtenir auparavant.......... La différence de la profession de son frère, maître des requêtes, et les courses de bagues plutôt que les coups d’épées, donnèrent à celui-ci le nom de gendarme. Il était toujours des plus assidus dans les barrières et les lices....... La reine intéressée par son alliance à le tirer hors de la nécessité, lui donna charge dans la compagnie de monseigneur le duc

  1. Voyez le remarque (A).
  2. Voyez l’Histoire de l’Académie française, pag. m. 245.
  3. Du Châtelet, Observations sur la vie et la condamnation du maréchal de Marillac, pag. 770 du Recueil de diverses pièces pour servir à l’Histoire, édition de 1643, in-4°.
  4. Là même, pag. 771.