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MACÉDOINE.

Famam quoque quâ plura quàm armis everterat ratus leviorem fore, si Tyrum quasi testem se posse vinci reliquisset. Igitur ne quid inexpertum omitteret, etc. [1]. Ses nouveaux efforts réussirent, il força la place, mais il déshonora sa victoire par sa cruauté. Il commanda qu’on mît le feu aux maisons, et qu’on passât au fil de l’épée tout ce qui ne se serait pas retiré dans les temples, et il fit attacher en croix deux mille habitans qui étaient moins échappés à la fureur du soldat, qu’à la lassitude de tuer. Triste deindè spectaculum victoribus ira præbuit regis : duo millia in quibus occidendi defecerat rabies crucibus adfixi per ingens littoris spatium pependerunt [2]. Il n’y a point aujourd’hui de prince que mille volumes ne dégradassent de toute sa gloire s’il faisait la vingtième partie de ce que fit alors Alexandre.

(M) Des familles... le choisissaient pour leur divinité tutélaire. ] Je n’oserais assurer que son pourpoint, que l’on se vantait d’avoir à Rome, passât pour un gage de quelque bénédiction céleste ; et il ne faut pas compter beaucoup sur ce que Caligula ne manqua pas de le prendre un jour de cérémonie. Ce n’était pas un homme superstitieux que Caligula, et s’il eût été chrétien, je ne pense pas qu’il eût eu beaucoup de foi pour le scapulaire, sans que pour cela je prétende disconvenir qu’il n’y ait de grands scélérats qui ont des superstitions puériles. Mais, quoi qu’il en soit, je ne puis rien dire sur le sentiment de Caligula, par rapport à cette relique d’Alexandre, puisque Dion n’en parle pas [3]. Le zèle de Caracalla pour Alexandre était bien ardent : cet empereur se servait d’armes et de gobelets, et de soldats, semblables à ceux d’Alexandre : il persécuta les péripatéticiens, et voulut jeter au feu tous les livres de leur maître, à cause du bruit qui courait que ce philosophe fut complice de l’empoisonnement d’Alexandre. Il témoigna par cent autres choses sa vénération pour ce conquérant ; mais je me garderai bien d’imiter un savant critique [4], qui se sert de ces faits-là pour prouver que l’on rendait à Alexandre un culte de religion. Ce qu’il cite de Trébellius Pollio et de Lampridius est d’une tout autre force. Le premier de ces deux historiens nous apprend que l’on croyait que l’effigie d’Alexandre gravée en or ou en argent portait bonheur à quiconque l’avait sur soi. L’autre historien nous dit qu’il y avait dans la ville d’Arce un temple consacré à Alexandre le Grand. Alexandri nomen accepit (Alexander Severus) quòd in templo dicato apud Arcenam urbem Alexandro magno natus esset, quùm casu illùc die festo Alexandri pater cum uxore patriæ solennitatis implendeæ causâ venisset. Cui rei argumentum est quo eâdem die natalem habet hic Mammeæ Alexander, quâ ille Magnus excessit è vitâ [5]. Ce passage montre que les habitans d’Arce célébraient la fête d’Alexandre tous les ans, le jour qu’il mourut. Voilà ce qu’on fait encore aujourd’hui à l’égard de plusieurs saints : leur fête tombe au jour de leur mort. Quant au passage de Trébellius Pollio, je m’en vais le rapporter tout du long : c’est en faveur de ceux qui liront ce Dictionnaire sans avoir beaucoup d’autres livres, ou qui n’aimeront pas à se remuer de leur place pour consulter cet auteur. Ceux qui ne se soucieront pas de savoir ce qu’il a dit n’ont qu’à sauter les lignes suivantes. Videtur mihi non prætermittendum de Macrianorum familiâ, quæ hodièque floret, id dicere quod speciale semper habuerunt. Alexandrum Magnum Macedonem viri in annulis et argento, mulieres in reticulis et dextrocheriis, et in annulis, et in omni ornamentorum genere, exsculptum semper habuerunt : eò usquè ut tunicæ et limbi et penulæ matronales in familâ ejus hodièque sint, quæ Alexandri effigiem de liciis variantibus monstrent. Vidimus proximè Cornelium Macrum in eâdem familiâ virum, quùm cœnam in templo Herculis daret, pateram electrinam, quæ in medio vultum Alexandri haberet, et in circuiti omnem

  1. Quint. Curtius, lib. IV, cap. IV.
  2. Idem, ibidem.
  3. Lib. LIX.
  4. Barthius, in Statium, tom. I, pag. 404.
  5. Lampridius, in Alexandro Severo, pag, m. 889, tom. I.