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MARCIONITES.

Invehuntur pariter tum sanctus Cyprianus contra pseudomartyres novatianos, tum sanctus Epiphanius contra euphemitas : qui ob eorum multitudinem se martyrianos vanissimè appellârunt. Habuêre suos donatistæ ; tantâque insaniâ martyrii eam larvam affectârunt, ut cùm ecclesiæ tyrannorum persecutio deesset, se aliquoties dederint præcipites exanimaverintque, deque his Optatus Milevitanus, divus Augustinus, et Theodoretus meminerunt. Non caruerunt iis quoque ariani et priscillianistæ, quorum insistere vestigiis satagunt sectarii nostri temporis, et ideò suos habent martyrologos, qui mendacia intexunt ineptiis dicerem lepidissimis, nisi jocari in re tanti momenti facinus esset. Notez que Pétrasancta se trompe tout comme Baronius[1] en croyant qu’Apollinaire soit l’auteur qu’Eusèbe cite. Rufin et Nicéphore ont été dans cette erreur. Voyez comment on les réfute dans le premier tome de la Bibliothèque de M. du Pin[2] conformément aux raisons que Henri Valois[3] et le père Halloix[4] avaient alléguées.

Il serait à souhaiter qu’un bon critique prît la peine de ramasser toutes les pièces des procès semblables à celui-ci, et de les placer l’une après l’autre, comme je viens de le faire, à l’égard de la dispute sur les martyrs marcionites. J’ai voulu donner ici un échantillon de ce travail, pour encourager à l’entreprise de cet ouvrage ceux qui en seront capables. Les utilités en seraient très-grandes ; soit pour découvrir la mauvaise foi qui règne dans les disputes, soit pour accoutumer les auteurs à l’exactitude ; car comme ils sont assurés que presque personne ne compare les répliques et les dupliques dispersées en plusieurs volumes, ils ne craignent point les suites de leur mauvais procédé, et ils les craindraient sans doute, s’ils savaient que certaines gens feront un recueil des objections et des réponses, des répliques et des dupliques, tout-à-fait propre à montrer dans un moment le fort et le faible des unes et des autres, d’autant plus facilement que l’on y joindrait des observations, comme j’ai fait ci-dessus. Il serait bon que tout cela fût rangé dans deux ou trois colonnes. Voyez la préface du projet de ce Dictionnaire, vers la fin.

(F) Il n’en sut pas faire jouer la principale machine. ] Si un homme d’autant d’esprit que M. Descartes avait eu en main cette affaire, on n’aurait pas pu confondre le système des deux principes aussi aisément que les pères le confondaient, n’ayant à combattre qu’un Cerdon, un Marcion, un Apelles, un Manès, gens qui ne pouvaient se bien servir de leurs avantages ; soit parce qu’ils admettaient l’Évangile, soit parce qu’ils n’avaient pas eu assez de lumières pour éviter les explications les plus sujettes aux grands inconvéniens[5]. C’était la chose du monde la plus ridicule, de soutenir qu’à la vérité Jésus-Christ avait paru sur la terre, mais non pas avec un vrai corps humain, et d’en donner pour raison que la chair n’est pas l’ouvrage du bon principe, et que c’est la production du mauvais. Les marcionites font pitié quand ils disputent sur cela. En général, si nous jugeons de leurs forces par les objections qu’ils proposent dans le Dialogue d’Origène[6] [* 1], nous en aurons mauvaise opinion. On ne voit point qu’ils poussassent les difficultés sur l’origine du mal ; car il semble que dès qu’on leur répondait que le mal était venu du mauvais usage du franc arbitre de l’homme, ils ne savaient plus que répliquer ; ou que s’ils faisaient quelque instance sur la prévision de ce pernicieux usage, ils se payaient de la première réponse, quelque faible

  1. * L’attribution de ce dialogue à Origène est, dit le père Merlin, « aussi fausse que celle qu’on avait faite à saint Augustin d’un sermon où on recommandait l’observation de la règle de saint Benoît, puisqu’on oppose dans ce dialogue le grand Constantin aux empereurs qui l’ont précédé. » Voyez au reste, dans les Mémoires de Trévoux, 1736, mai, page 1077, l’Examen (par le père Merlin) d’un raisonnement que Bayle attribue à Origène.
  1. Ad ann. 173, num. 20 et seq.
  2. Pag. 68, édition de Hollande.
  3. In Euseb., lib. V, cap. VI.
  4. In Notis ad Vitam S. Apollin., cap. III.
  5. Conférez ce qui a été dit dans l’article Manichéens, dans ce volume, pag. 189, remarque (B).
  6. Je parle du Dialogue contre les Marcionites, attribué à Origène, dont M.  Wetstein, professeur à Bâle, a donné une édition, l’an 1674, la première où le grec ait paru.