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MARCELLIN.

témoin oculaire de plusieurs choses qu’il a écrites. Il prit de fort bonne heure le parti des armes, et fut d’abord enrôlé parmi ceux qu’on appelait Protectores domesticos ; ce qui peut nous faire juger qu’il était de bonne maison : car c’était assez la coutume que la jeunesse de la première qualité entrât dans ce corps [a] ; et un homme de guerre qui pouvait y être promu, se croyait bien récompensé de ses longs services. Voilà par où notre Marcellin débuta. On ne sait point s’il monta jamais plus haut (C) ; on voit seulement qu’avec ce titre il a suivi en plusieurs expéditions Ursicin, général de la cavalerie. Il eut ordre d’aller avec lui dans l’Orient, lorsque l’empereur Constantius l’y envoya, l’an 350. Ursicin, en ayant été rappelé l’an 354 pour venir à Milan, amena avec lui en Italie Marcellin. Ils passèrent dans les Gaules l’année suivante, et mirent bientôt à la raison le tiran Silvanus ; après quoi Constantius fit venir Ursicin à Sirmium, et le renvoya en Orient. Les mauvais offices qu’on rendit à Ursicin auprès de cet empereur, furent cause qu’on le rappela, et qu’on donna sa charge à un autre. Il obéit ; mais étant arrivé en Thrace, il y trouva des ordres qui l’obligèrent à retourner incessamment vers la Mésopotamie, sans que pour cela on lui rendit le commandement, qui avait été conféré à Sabinien. Il ne laissa pas de rendre de grands services. Marcellin, qui l’avait toujours suivi, en rendit aussi beaucoup, et en soldat, et en négociateur, comme il le raconte lui-même, sans sortir des bornes de la modestie. Il ne quitta point le service lorsqu’Ursicin fat entièrement disgracié, l’an 360 ; mais, comme je l’ai déjà dit, on ne sait pas s’il fut avancé, ou s’il demeura toujours dans son poste de Protecteur domestique, même lorsqu’il suivit Julien dans la guerre contre les Perses. On peut recueillir de quelques endroits de ses livres [b], qu’il demeurait à Antioche sous l’empire de Valens. Il vint ensuite s’établir à Rome, et y composa son histoire (D). Il en récita diverses parties à mesure qu’il les composait [c], et on les reçut avec de grands applaudissemens. On ne sait point quand il mourut ; mais on ne peut douter qu’il ne fût encore en vie l’an 290 puisqu’un consulat qui tombe sur cette année-là ne lui a point été inconnue [d]. Il avait eu des procès [e] qui l’avaient tellement mis de mauvaise humeur contre les gens de pratique, qu’il n’a pu s’empêcher de faire une longue digression contre eux. C’est une invective presque aussi piquante que la comédie de Grapinian.

  1. Valesius, in præf. ad Ammian. Marcellin.
  2. Liv. XXIX, chap. I, où il dit qu’il a vu les supplices de plusieurs personnes que Valens fit mourir à Antioche l’an 371 ; et liv. XXX, chap. IV, où il se plaint des chicanes qu’on lui avait faites en Orient.
  3. Epist. Liban. apud Valesium, in præf. Ammiani Marcellini.
  4. Neotherium posteà consulem tanc notarium ad eamdem tuendam ire disposuit. Amm. Marcell., lib. XXVI, cap. V. Cet homme fut consul avec Valentinien II, l’an 390. Valesius, in præf. ad Ammian. Marcellin.
  5. Lib. XXX, cap. IV. Voyez La Mothe-le-Vayer, Jugement sur les principaux historiens, pag. 247 du IIIe. tome in-12.