Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
MARCELLIN.

l’enchaînèrent au tronc d’un arbre en rase campagne, proche de Gaëte, et lui arrachèrent les ongles un par jour. Il rendit l’âme en ce triste état, tant à cause des tourmens, qu’à cause de l’inclémence de l’air à quoi il fut exposé de nuit et de jour sans dormir, et sans prendre nulle nourriture [a]. Il harangua au concile de Latran, le 10 de décembre 1512. Ses Exercitationes in septem priores psalmos furent imprimées à Rome, l’an 1525 [b]. Nous avons dit ailleurs [c] qu’il publia un ouvrage que l’on prétendit qu’il n’avait fait que dérober. Florimond de Rémond a commis une bévue bien puérile en le citant (A).

  1. Tiré de Pierius Valerianus, lib. I de Litterat. Infelicitat., pag. m. 10.
  2. Konig, Biblioth., pag. 506.
  3. Dans la remarque (D), de l’article Grassis, tom. VII, pag. 206.

(A) Florimond de Rémond a commis une bévue bien puérile en le citant. ] Je suis content, dit-il [1], « de représenter au vrai, partie des cérémonies qui se gardent en l’élection, au couronnement et à la consécration des pontifes romains, lesquelles se trouvent en divers lieux, et particulièrement dans le livre intitulé : les Cérémonies sacrées, présenté au pape Léon X par M. Électus, et ce suivant le concile de Lyon, 1273. » Il a cru qu’Électus était le nom de famille de cet auteur, et n’a pas compris que Christophorus Marcellus electus Corcyrensis veut dire Christophle Marcel élu à l’archevêché de Corfou. David Blondel lui a reproché cette faute [2], qui est sans doute aussi grossière que celle que la Mothe-le-Vayer a reprochée à Bodin. Lisez ces paroles de l’Hexaméron Rustique. Je commencerai à vous faire souvenir de l’inadvertance de Bodin, lorsque, pour prouver au dernier chapitre du premier livre de sa République, comme ces termes, par la grâce de Dieu, ne sont pas une marque de souveraineté, il dit qu’on voit au trésor des chartes de France un acte, par lequel un simple élu de Meaux, député pour un traité de paix, se dit élu par la grâce de Dieu. J’ai vu cet acte qui est en latin, et n’ai pu m’empêcher de rire, considérant comme un homme du savoir de Bodin avait pu prendre pour un chétif élu un Electum Meldensem, c’est-à-dire une personne nommée à l’évêché de Meaux, et qui n’était pas encore consacrée [3].

  1. Florimond de Rémond, chap. XVIII de l’Anti-Papesse, sub. fin., folio m. 412 verso.
  2. Blondel, au Traité français de la Papesse pag. 83, au Traité latin, pag. m. 222.
  3. Hexaméron rustique, journée I, pag. m. 24, 25.

MARCELLIN (Ammien) occupe un rang très-honorable parmi ceux qui ont écrit l’Histoire Romaine. Il était Grec de nation, comme il le déclare à la fin de son dernier livre (A), et natif d’Antioche, comme on le recueille d’une lettre de Libanius [a]. Cela, joint à la vie militaire qu’il avait suivie, nous doit faire excuser la rudesse de son latin. Ce défaut, et celui de quelques digressions ampoulées, sont amplement réparés par plusieurs excellentes qualités qui se trouvent dans cet auteur, comme est, par exemple, le peu de partialité qu’il témoigne contre le christianisme, quoiqu’il fût païen (B) ; et les recherches exactes qu’il a faites pour tâcher de ne rien dire dont il ne fût sûr, et qui l’ont mis en état de nous apprendre bien des choses que nous ignorerions sans lui. Son autorité est d’ailleurs fort considérable, par la raison qu’il a été

  1. Vide præf. Henr. Valesii ad Ammian. Marcellin. Les imprimeurs de Moréri ont mis Labienus au lieu de Libamus.