Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
MARCA.

Toulouse, son éminence avait témoigné plus de fermeté que par le passé, et plus d’opposition au projet d’accommodement, et que M. de Toulouse en avait parlé cruellement, traitant de chimère la distinction du droit et du fait. Cela est fort croyable. Car ce prélat tout politique était le père de l’inséparabilité du droit et du fait, vraie chimère dont il était amoureux, ou dont il faisait semblant de l’être, parce qu’elle servait à ses fins. Ce prélat n’avait garde d’abandonner ses desseins pour suivre M. de Rouen dans les siens. Il en savait plus que lui en matière de politique et d’intrigues ; il avait ses liaisons formées et ses mesures prises avec le père Aunat, sur un autre plan que celui-là, qui ne pouvait être du goût de ce père ; enfin il avait pour ces sortes d’affaires, et pour beaucoup d’autres, toute la confiance du cardinal et tout l’appui de la cour. Aussi M. de Rouen n’eut-il garde de pousser l’affaire, quand il eut mieux connu le terrain [1]. »

(G) Il fallut employer beaucoup de critique sur quelques paroles de Pomponius Méla et de Strabon. ] Il fut dit par le traité des Pyrénées, que les limites de la France et de l’Espagne, au comté de Roussillon, seraient les mêmes que celles qui séparaient anciennement les Gaules d’avec l’Espagne. Il fallut donc examiner où les anciens géographes finissaient les Gaules de ce côté-là. L’érudition de notre archevêque fut d’un grand secours. Vous trouverez le détail de toutes ces conférences dans un ouvrage posthume de cet auteur [2].

(H) Il mourut à Paris... peu après avoir obtenu les bulles pour l’archevêché de cette ville. ] Le peu de temps qu’il vécut depuis sa nomination à l’archevêché de Paris, obligea quelqu’un à faire un sixain qui est su de tout le monde :

Cy git l’illustre de Marca,
Que le plus grand des rois marqua
Pour le prélat de son église :
Mais la mort qui le remarqua,
Et qui se plaît à la surprise,
Tout aussitôt le démarqua.

(I) M. Baluze, avec un grand zèle........ avait toute la capacité que demandait la publication de ce dépôt. ] Pour être convaincu de la vérité de ce fait, on n’a qu’à voir les préfaces, les notes, les additions, etc., dont il enrichit les œuvres posthumes de son Mécène, à mesure qu’il les publie. J’ai déjà parlé des nouvelles éditions qu’il a procurées du fameux ouvrage, de Concordiâ imperii et sacerdotii. Il faut maintenant que je dise qu’il publia trois ou quatre dissertations de ce savant homme, l’an 1669 [3]. Elles concernent l’autorité du pape, et celle des patriarches et des primats ; un canon fort difficile du concile d’Orange, et le premier établissement de la foi chrétienne dans les Gaules. Il en publia plusieurs autres, l’an 1681, dont vous verrez le sujet dans le journal de Leipsic [4]. L’an 1688, il publia un in-folio qui a pour titre : Marca Hispanica, sive Limes Hispanicus, hoc est Geographica et Historica Descriptio Cataloniæ, Ruscinonis, et circumjacentium Populorum, Auctore illustrissimo viro Petro de Marca. Tous les journalistes en ont fait mention.

(K) Sa Vie, composée par l’abbé Faget…., fit naître une dispute entre lui et M. Baluze. ] L’abbé Faget, ancien agent du clergé, et fils d’une tante maternelle de M. de Marca, fit imprimer à Paris, l’an 1668, la Vie de ce prélat, avec un traité sur l’Eucharistie, un autre sur le Sacrifice de la Messe, un autre sur l’Érection du patriarcat de Constantinople, un autre en français sur le Sacrement de l’Eucharistie, et sur quelques autres sacremens. Il était l’auteur de la Vie, mais non pas des Dissertations qu’il y joignit : elles venaient de la plume de feu M. de Marca. Il ne put jamais obtenir l’approbation de la faculté de théologie, qu’en consentant que tout le traité français serait retranché, et qu’on ferait des cartons pour changer di-

  1. La Paix de Clément IX, pag. 144.
  2. Intitulé Marca hispanica. La Bibliothéque universelle en contient l’extrait au commencement du XVe tome.
  3. Voyez le Journal de Leipzic, 1682, pag. 327.
  4. Ibidem, pag. 328. Voyez aussi le Journal des Savans, du 21 mars 1681, pag. 117.