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MARCA.

Marca. Car il est visible que la congrégation n’a usé de cette adresse, que parce qu’elle n’a pas osé attaquer directement la mémoire de ce grand archevêque ; cet qu’elle s’est imaginé qu’il serait plus facile de décrier son livre, en substituant à sa place une personne d’une dignité moins relevée dans l’église [1]. »

Pour achever l’histoire de cet ouvrage, il me reste à dire que M. Baluze en a procuré deux éditions depuis la mort de l’auteur ; l’une l’an 1663, et l’autre l’an 1669. Ces éditions sont plus amples que la première, et vous comprendrez en quoi si vous consultez ce latin [2]. Opus de Concordiâ sacerdotii et imperii…. altero ab ipsius obitu anno augustiori habitu adornatum, iterùm emisit in lucem Baluzius, et non saltem priores quatuor libros recensuit, additionibus ab auctore compositis auxit, ac suis notis, ubi occasio tulit, illustravit : sed et integrum tomum alterum nunquàm anteà editum ex autographo summi viri descriptum addidit, nonnulla antiquitatis illustria monumenta adjecit, integrosque in eo libros, quod gallicè essent scripti, in latinam linguam vertit. Cùmque opus hoc tanto favore eruditorum fuerit exceptum et communi approbatione commendatum, ut intrà breve tempus distracta exempla fuerint, istud anno MDCLXIX recognitum emendatius copiosiusque litterato iterùm orbi dedit. Il l’a fait encore réimprimer, augmenté et corrigé, l’an 1704 [3]. Le sieur Deckhérus fit de grosses fautes quand il parla de l’écrit d’Optatus Gallus, et de celui de notre M. de Marca : elles furent critiquées dans une lettre ajoutée à la nouvelle édition de son livre, l’an 1686 [4].

Notez que l’auteur du fameux ouvrage de Libertatibus Ecclesiæ gallicanæ, imprimé l’an 1685, ne juge pas fort avantageusement de la conduite de l’auteur du Concordia sacerdotii et imperii. « lI insinue qu’il y a eu de l’obliquité dans les manières de M. de Marca, et qu’encore qu’il écrivit en homme qui voulait faire sa cour en France, il ne laissait pas de se ménager le mieux qu’il pouvait avec Rome ; car il semble en certains endroits qu’à force de citations il a établi la chose ; mais tout d’un coup il se jette de l’autre côté, en citant des exemples et des témoignages contraires aux premiers, ou en resserrant les premiers par mille modifications, et après cela on voit encore qu’il exténue le second parti. D’abord il accorde tout, ensuite il le regagne insensiblement, mais de telle sorte qu’il fait pencher la balance du côté du siècle [5]. »

(D) Il se fit aimer des Catalans d’une manière qui a peu d’exemples. ] Cela parut par les prières et par les pèlerinages qu’ils firent pour sa guérison, l’an 1647. La ville de Barcelone fit un vœu public à Notre-Dame de Mont-serrat, et y envoya en son nom douze capucins et douze filles. Celles-ci firent le voyage les cheveux pendans et à pieds nuds. M. de Marca fut persuadé que tant de vœux et tant de prières avaient obtenu sa guérison, et il ne sortit point de Catalogne sans aller faire ses dévotions à Mont-serrat [6]. Il y alla l’an 1651, et y fit un petit Traité de origine ac progressu cultûs B. Mariæ Virginis in Monteserrato, qu’il laissa dans les archives du monastère [7]. On le laissa perdre, parce peut-être que l’auteur n’y adoptait pas toutes sortes de traditions. Il en envoya une copie, l’an 1660, à François Crespus, professeur en théologie à Lérida, qui travaillait à l’Histoire de ce couvent de Mont-serrat. Il l’avertit d’user d’un peu plus de discernement que ne font les Espagnols. Paucis agit de antiquitate loci ; admonetque Crespum, ne in eâ historiâ scribendâ, falsis, uti Hispani solent, testimoniis utatur ; quæ Gallis, inquit, fabularum istiusmodi detegendarum peritissimis, ludibrium debent, et reliquæ narrationi, licet alioqui veræ, auctoritatem demunt [8]. Cette Dissertation a vu le jour

  1. Sallo, Journal des Savans, là même.
  2. Acta Eruditor. Lipsiens., anno 1682, pag. 327.
  3. Voyez le Journal des Savans, du 12 de janvier 1705.
  4. Voyez Deckherus, de Scriptis Adespotis, pag. 384, edit. 1686.
  5. Nouvelles de la République des Lettres, juillet 1685, pag. 718 de la seconde édition.
  6. Baluzius, de Vitâ P. de Marca, p. 45.
  7. Idem, ibidem, pag. 46.
  8. Idem, ibidem, pag. 48.