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MAIMBOURG.

beauté, de la couleur de ses cheveux, de ses habits, et enfin de son chien. C’était, dit-il, un brave chien, et qui avait tant de courage, qu’il est à croire que cependant que son maître se battait contre Goliath, ce chien, pour n’avoir pas le déshonneur de demeurer sans rien faire, alla chercher de l’occupation contre les loups. Quand ce bon père fut une fois entré dans la matière des chiens, comme s’il y eût été attaché par quelque secrète sympathie, il n’en put sortir, et il en tira la division de son sermon, qui fut distribué en quatre points, selon quatre espèces de chiens. La 1re. espèce était des dogues d’Angleterre ; la 2e. des mâtins ; la 3e. des bichons, et la 4e. des bons chiens ; dont il fit une application aux différentes sortes de prédicateurs. Les dogues d’Angleterre étaient les jansénistes, ou comme l’on parlait alors les arnauldistes, qu’il représentait comme des gens indiscrets, qui déchiraient indifféremment tout le monde, qui ne faisaient nulle distinction entre les innocens et les coupables, qui accablaient tout le monde de rudes pénitences. Il décrivit les mâtins comme des chiens poltrons qui ne sont vaillans que sur leur fumier, et qui hors de là sont toujours dans la crainte, ce qu’il appliqua aux prédicateurs de cette humeur. Les bichons étaient selon lui les abbés de cour. Ils sont, disait-il, taillés en lions, et ils font beaucoup de bruit, mais quand on les voit de près on se moque de leur bruit. Il décrivit sur cela leurs manchettes, leurs rabats, leurs surplis, leurs gestes. Et enfin, les bons chiens étaient les jésuites et les prédicateurs tels que lui. Il est impossible de s’imaginer de quelle sorte il traita ce ridicule sujet, et jusques à quel excès il porta la bouffonnerie de ses descriptions. Ce que je puis assurer, y ayant été présent, est que j’y vis tous les révérends pères, qui étaient dans les galeries qui sont au-dessus, se tenir les cotés de rire depuis le commencement du sermon jusqu’à la fin, et le reste de l’auditoire ne put pas demeurer dans une plus grande retenue. Ce n’était qu’éclats que l’on ne pouvait empêcher. Tout cela divertissait le bon père, et lui donnait une nouvelle ardeur à augmenter toujours le ris de ses auditeurs par de nouvelles grimaces. Après avoir été spectateur de cette étrange profanation, et m’être informé du nom du jésuite qui avait prêché, que l’on me dit être le père Maimbourg, je sortis plus scandalisé de la société que de son prédicateur [1]. »

(D) Je ferai une remarque touchant les œuvres du père Maimbourg. ] Il publia à Rouen deux panégyriques, l’an 1640 : l’un est celui de Louis XIII, sur ce que ce prince avait mis la France sous la protection de la Vierge ; l’autre est un éloge des rois de France. Il avait publié à Rome, l’an 1638, l’oraison funèbre de Nicolas Zappi, moine Augustin, et il publia à Paris, l’an 1670, ses Sermons du Carême, en deux volumes in-8o. Le père Sotuel, qui m’apprend cela, ne parle point des Lettres de François Roman, qui est un ouvrage du père Maimbourg, dont le seul titre fut comprendre qu’il roule sur la manière dont il faut concilier l’obéissance due au pape, avec celle qui est due au roi. Sotuel n’a pas oublié les traités de controverse du père Maimbourg. Ce sont trois petits traités dont l’un [2] est intitulé : la Méthode Pacifique pour ramener sans dispute les Protestans à la vraie Foi sur le point de l’Eucharistie, au sujet de la contestation [3] touchant la perpétuité de la foi du même mystère. Le second a pour titre : de la vraie Église de Jésus-Christ, et le troisième, de la vraie Parole de Dieu. Le premier de ces trois ouvrages a paru si bon aux catholiques romains, qu’il tient la cinquième place entre les seize méthodes de convertir les huguenots, qui furent recommandées par le clergé de France aux controversistes, l’an 1682. Voici les paroles du mémoire qui fut dressé par cette

  1. Préface de la Défense de la Traduction du Nouveau Testament, imprimé à Mons, contre les Sermons du père Maimbourg, jésuite, pag. 6.
  2. Imprimé à Paris, l’an 1670. Il y fut réimprimé pour la troisième fois, l’an 1682.
  3. C’est celle qui faisait alors tant de bruit entre M. Arnauld et M. Claude.