Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
MAIMBOURG.

était mal satisfait des jésuites (A). Il avait eu beaucoup de part à l’amitié du père Ferrier, confesseur du roi (B). J’ai dit ailleurs [a] qu’il étudia à Rome sous Jean de Lugo. Les livres qui ont paru contre lui sont si communs, et contiennent si amplement ce qui regarde le caractère de son esprit, et sa conduite, qu’il n’est nullement nécessaire de compiler ici ces faits-là. Mais comme ceux qui ont réfuté son Calvinisme n’ont rien dit d’un certain sermon, qui a fourni un récit assez facétieux à un écrivain de Port-Royal (C), il sera bon que j’en fasse une remarque. J’en ferai une autre touchant les œuvres du père Maimbourg (D) ; et une autre sur un cousin qu’il avait (E), qui se fit de la religion, et qui est auteur de deux ou trois livres.

  1. Dans l’article Lugo (Jean de), citat. (*3) tom. IX, pag. 535.

(A) Il fit un testament qui témoigne qu’il était mal satisfait des jésuites. ] Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, mois de septembre 1686 [1].

(B) Il avait eu beaucoup de part à l’amitié du père Ferrier, confesseur du roi. ] Il nous l’apprend lui-même dans son saint Léon ; car après avoir expliqué ce que c’est qu’une opinion véritablement probable, contre la fausse idée que quelques-uns s’en sont formée, il ajoute : « Et c’est aussi ce qu’on trouvera très-solidement prouvé dans le petit livre de l’opinion probable, composé par le feu père Ferrier, confesseur d’un roi, et l’un des plus savans théologiens que j’aie jamais connus, de qui la mémoire me sera toujours en singulière vénération ; tant pour son mérite très-distingué, que pour les obligations très particulières que je lui ai, et dont je ne puis m’acquitter que par ce petit témoignage de ma gratitude, que j’en veux laisser à la postérité [2]. »

(C) Un de ses sermons…. a fourni un récit assez facétieux à un écrivain de Port-Royal. ] On le trouve dans une préface qui est au-devant de la défense [* 1] de la traduction de Mons, à l’édition de Cologne 1668, et qui n’a pas été réimprimée dans l’édition qu’on fit à Genève de toutes les pièces qui concernent cette traduction. Voilà pourquoi ce conte n’est guère connu, et n’a point été mis en avant par les censeurs de l’Histoire du Calvinisme. Il ne sera donc pas hors de propos que je l’insère dans cette remarque. Le voici ; c’est l’auteur de la préface qui parle.

« Il y a plus de vingt ans qu’étant allé par hasard en la chapelle du collége de Clermont, je vis monter en chaire un homme d’une mine extraordinaire et qui n’était pas de ceux dont l’Écriture dit, que la sagesse de leur âme reluit sur leur visage. On ne voyait au contraire que fierté dans ses yeux, dans ses gestes et dans tout son air ; et il aurait été capable de faire peur aux gens, si cette fierté n’eût été mêlée avec mille gestes de théâtre qui tendaient à faire rire... Son discours fut encore plus étonnant que son air ; et la bizarrerie en fut si étrange, qu’il n’y a été impossible de l’oublier. C’était le deuxième dimanche d’après Pâques, où l’on lit l’Évangile du bon Pasteur : il prit sujet sur cela de relever l’état des bergers, en remarquant que ce n’était pas autrefois la profession des gens de néant comme à présent, mais que les rois et les princes ne la jugeaient pas indigne d’eux. Il fit ensuite un grand dénombrement des princes bergers. Il n’y oublia pas les patriarches, et il en conduisit le catalogue jusques à David, sur lequel il s’arrêta fort long-temps ; car il fit une description badine de sa

  1. * Leclerc et Joly disent que cette défense est d’un inconnu. Cet inconnu est Antoine Arnaud, aidé de Nicolle. Dans le Moréri, auquel Joly lui même renvoie, la Défense est comprise parmi les ouvrages d’Arnauld.
  1. Pag. 1034 et suiv.
  2. Maimbourg, Histoire du Pontificat de saint Léon, liv. IV, pag. 343, édition de Hollande.