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MAYERNE.

aux humanités, et de là envoyé à Heidelberg où il demeura quelques années ; après quoi s’étant destiné à la médecine, il alla à Montpellier où il reçut ses degrés de bachelier, et ensuite de docteur. De là il passa à Paris, où se formant à la pratique, il fit des leçons en anatomie aux jeunes chirurgiens, et en pharmacie aux apothicaires : et ses ordonnances lui acquérant de l’estime, il fut connu de M. Ribbit, sieur de la Rivière, premier médecin du roi Henri IV, qui le recommanda si bien à S. M., qu’elle lui donna la charge d’un de ses médecins ordinaires, et en l’an 1600 le donna à Henri, duc de Rohan, pour l’accompagner dans les voyages qu’il fit pour la France, vers les princes d’Allemagne et d’Italie. Étant de retour il se rendit fort recommandable en l’exercice de sa charge, et fut bien vu du roi, qui promettait de lui faire beaucoup de bien s’il eût voulu changer de religion, lui mettant à dos le cardinal du Perron, et d’autres ecclésiastiques ; et même malgré sa résistance, le roi lui avait fait expédier un brevet de son premier médecin, que les jésuites, qui le surent, furent prompts à faire révoquer par la reine Marie de Médicis ; circonstance et faveur dont M. de Mayerne n’eut pour lors aucune connaissance, mais seulement en Angleterre, en l’an 1642, qu’il l’apprit de la bouche de César, duc de Vendôme, fils naturel de France. En 1607, il traita un seigneur anglais, lequel étant guéri le mena en Angleterre, où il eut une audience particulière du roi Jacques. Et même après la mort du roi Henri IV il continua d’être médecin ordinaire du roi Louis XIII, jusqu’en 1616, qu’il traita de cette charge avec un médecin français. L’an 1611 le roi d’Angleterre le fit demander par son ambassadeur, pour être son premier médecin, et de la reine Anne son épouse, par une patente scellée du grand sceau d’Angleterre, où il a servi toute la famille royale avec grand honneur et approbation jusqu’à la fin de sa vie ; comme aussi la plus grande partie de la noblesse et du peuple. Il faisait un recueil exact de ses conseils en médecine. Il a composé une pharmacopée fort curieuse de remèdes tant galéniques que spagyriques ; mais il n’a jamais rien fait imprimer, si ce n’est une apologie contre la faculté de médecine de Paris, qui l’avait attaqué. Il y eut un médecin, nomme Brouent, qui envoya au docteur Bévérovicius une relation de la Vescie d’Isaac Casaubon composée par ledit de Mayerne, de quoi il témoignait du ressentiment. Il a eu deux femmes, dont la première était Marguerite de Boetslaer, de la maison d’Asperen, de laquelle il eut deux fils [* 1] morts durant sa vie. Et la seconde était Isabelle, fille d’Albert Joachimy, célèbre par ses ambassades pour Messieurs les États-Généraux, en Moscovie, en Suède, et pendant plus de 24 ans en Angleterre, de laquelle il avait eu deux fils, décédés devant lui, et trois filles, dont deux moururent de son vivant. Il mourut le 15 de mars 1655 à Chelsey, prés de Londres, laissant une fille unique, laquelle porta ses grands biens en mariage à M. le marquis de Montpouillan, petit-fils de M. le maréchal duc de la Force ; mais elle mourut à la Haye, l’an 1661, ne pouvant pas accoucher, ou du moins dans l’accouchement, »

Notez que M. de Mayerne eut une nièce qui fut mariée avec un seigneur anglais, et qui avait un très-grand mérite. Elle s’appelait Louise de Frotté, et par son mariage elle fut nommée madame de Windsor. Elle avait beaucoup d’esprit et de lecture, et a été pendant plusieurs années un ornement de la ville de Genève. Elle y mourut vers la fin de l’an 1691. Voyez son éloge dans l’Italia regnante de M. Leti [1]. Voyez aussi l’Histoire des Ouvrages des savans [2].

  1. * Leclerc croit que c’est l’un des fils de Théodore qui est auteur de l’ouvrage dont le père Jacob, dans sa Bibliographa Parisina (années 1647 et 1648), page 25, rapporte ainsi le titre : Discours sur la carte universelle en laquelle le globe terrestre est entièrement réduit et représenté dans un seul cercle et sans aucune division de ses parties, par Louis de Mayerne Turquet, Parisien, professeur en géographie, à Paris, aux dépens de l’auteur, 1648, in-12. L’auteur y prenant la qualité de Parisien, n’est-il pas à croire qu’il était du premier lit ?
  1. À la IVe. part., pag. 64 et suiv.
  2. Mois de mars 1692, pag. 336.