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MAHOMET.

le christianisme devait périr après qu’il aurait duré trois cent soixante-cinq ans. Excogitaverunt nescio quos versus græcos, tanquàm consulenti cuidam divino oraculo effusos, ubi Christum quidem ad hujus tanquàm sacrilegii crimine faciunt innocentem : Petrum autem maleficia fecisse subjungunt, ut coleretur Christi nomen per 365 annos : deindè completo memorato numero annorumt, sinè morâ sumeret finem[1]. Saint Augustin trouve qu’en comptant ces trois cent soixante-cinq années depuis la résurrection de Jésus-Christ, elles expirèrent un an avant que le paganisme reçût, pour ainsi dire, le coup mortel par la destruction de ses temples. Sequenti anno, consule Manlio Theodoro, quandò jam secundùm illud oraculum dæmonum aut figmentum hominum, nulla esse debuit religio christiana, quid per alias terrarum partes forsitan factum sit, non fuit necesse perquirere. Interim quod scimus, in civitate notissimâ et eminentissimâ Carthagine Aphriæ Gaudentius et Jovius comites imperatoris Honorii, quarto decimo calendas aprilis falsorum deorum templa everterunt, et simulacra fregerunt[2]. Saint Augustin remarque que plusieurs païens furent convertis par la réflexion qu’ils firent sur la fausseté de cet oracle. Quant aux motifs de ceux qui le divulguèrent, voyez ce que je cite de Baronius[3].

Quelques-uns de ceux qui ont promis de grandes conquêtes aux Turcs y ont été peu à peu déterminés par la haine qu’ils avaient conçue contre la maison d’Autriche : soit que cette haine les eût rendus fanatiques, soit qu’ils fissent seulement semblant d’avoir des visions. Mais quelques autres n’ont été conduits que par le système qu’ils s’étaient fait sur les prophéties de l’Apocalypse, sur Gog et Magog, etc. On m’a dit depuis peu deux choses : 1°. Qu’un fameux ministre d’Amsterdam avait prêché pendant le siége de Vienne, en 1683, que les Turcs prendraient la ville, se fondait sur quelques passages de l’Écriture ; 2°. que la levée de ce siége lui causa tant de chagrin qu’il en mourut. Ce n’est pas qu’il souhaitât, comme aurait fait Drabicius, que les Turcs fissent des progrès dans l’Allemagne ; mais il fut marri de s’être trompé. Quoi qu’il en soit, nous pouvons conclure que ceux qui se mêlent de nous révéler l’avenir, par rapport au Turc, prennent mal leur temps : quand ils l’ont menacé de ruine, il a triomphé ; quand ils lui ont promis des conquêtes, il a perdu des batailles et des provinces, comme on l’a vu depuis l’année 1683[4]. Mais observons qu’au temps même de Drabicius, il y eut des gens en Hollande qui promirent que le Turc serait détruit. On publia à Leyde, l’an 1664, deux écrits bien différens. Le premier avait pour titre : de Tartarorum irruptione succincta Dissertatio[5] ; et l’autre était une Parænesis ad Christianos, suggerens consilium ad eos liberandos, et opprimendos Turcas. Dans le premier, la Hollande est menacée des irruptions des Tartares, si elle ne fournit beaucoup d’argent pour la levée des troupes qui sont nécessaires à la guerre contre les Turcs. On promet dans l’autre la conquête de l’empire turc, pourvu qu’il se fasse de grandes levées d’hommes et de deniers, et l’on marque de quelle façon il faudra que cette conquête soit partagée.

(HH) Le riz et la rose naquirent de sa sueur. ] Voici les paroles de deux savans maronites[6]. Ineptè Mohamedis sequaces confabulantur, ortam esse (orizam) ex ipsius Mohamedis sudore antequàm mundo se manifestaret, mundum infestaret penè dixerim, cùm thronus Dei circuibat in paradiso : Deus enim conversus

  1. Augustinus, de Civitat. Dei, lib. XVIII, cap. LIII. Voyez M. de Meaux, Explication de l’Apocalypse, chap. XIX, pag. 231, édition de Hollande.
  2. Idem, August., ibidem, cap. LIV.
  3. Tantâ gloriâ ejus (Christi) Ecclesia aucta.… accidit ut gentiles qui viderent ecclesiam christianam tantâ gloriâ auctam, adeòque immensâ claritudine illustratam, invidiâ tabescentes, quo solatio aliquo lenirent de Christianorum gaudio et incrementis conceptum mœrorem et amicorum acerbitatem, novum oraculum confinxerunt, atque ore omnium diffamârunt Græcis quibusdam versibus præcinentes christianam religionem 365 annis duraturam quorum 313 jam propè elapsi essent. Baronius, ad ann. 313, num. 17, pag. m. 130.
  4. Voyez l’article Kottérus, tom. VIII, pag. 594-600, remarques (A) et (G).
  5. La version flamande est è regione.
  6. Gabriel Sionita et Joannes Esronita, de nonnullis Oriental. Urbibus, pag. 5.