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MAHOMET.

annales, que le règne de Mahomet subsistera jusqu’à l’arrivée des garçons blonds, dunec veniant figliuoli biondi, id est, flavi et albi filii ex Septentrione flavis et albis capillis. Quelques-uns veulent que cela désigne les Suédois ; mais Antoine Torquato, fameux astrologue, en faisait l’application au roi de Hongrie [1]. Je ne parle point de la prophétie qui courut sous l’impératrice Théodora, que la destruction des Sarrasins serait l’ouvrage des Macédoniens ; ce qui fut cause que l’empereur Monomaque fit lever des troupes dans la Macédoine, et les envoya au Levant[2]. Les suites n’ont point confirmé cette prophétie, ni le Commentaire sur les prédictions de l’empereur Sévère, et sur celles de l’empereur Léon, imprimées à Francfort avec des figures, l’an 1597. Ce commentaire avait promis que l’empire des Ottomans finirait sous le sultan Mahomet III[3]. Le commentaire de Philippe Nicolaï sur l’Apocalypse n’a pas été plus heureux que celui-là. Ce ministre luthérien avait prédit, en vertu de quelques paroles de saint Jean, que l’empire turc finirait l’an 1670[4]. Wolfius a inséré dans ses leçons mémorables [5] un écrit qui a pour titre : Discursus de futurâ et speratâ Victoriâ contrà Turcam, è sacris prophetiis, aliisque vaticiniis, prodigiis, et prognosticis depromptus, ac noviter in lucem datus per Joannem Baptistam Nazarum Brixiensem. Il fut imprimé l’an 1570. L’auteur discute plusieurs passages prophétiques de l’Écriture, et il trouve, de quelque façon qu’il les tourne et qu’il en calcule les lettres numérales, qu’ils marquent la ruine des Turcs, et par même moyen une paix universelle pour l’an 1572, ou pour l’an 1575. Les autres oracles qu’il consulte, certains auteurs fatidiques, les signes qui avaient paru au ciel, les constellations, tout cela lui fait conclure que l’empire turc et tout le mahométisme est à la veille de sa destruction ; qu’ils n’en peuvent pas échapper, et qu’on touche presque du bout du doigt le siècle d’or qui établira sur la terre la paix générale. Bésoldus est admirable[6] ; il fait mention de ce traité de Nazarus, et d’un autre[7] qui fut écrit l’an 1480, et imprimé à Paris environ l’an 1520. On y promettait aux chrétiens cent beaux triomphes, qui n’ont été que des chimères ; et néanmoins il assure que la fin du mahométisme approche : il se fonde sur ce que les sciences n’y fleurissent plus comme autrefois. Hæcque omnia, licet vana et fanatica multis videantur, ac etiam ratione temporis vel loci falli possint ; certum tamen multi habent, adpropinquare quoque sarracenicæ legis ruinam. Nam sanè jam diù est, quod disciplina et eruditio ab eâdem recessit[8]. Le sieur Konig nous apprend que M. Basire, chapelain de Charles Ier., roi d’Angleterre, déclara en passant par Leipsic, lorsqu’il en allait à Londres après le rétablissement de Charles II, que selon l’Apocalypse on aurait bientôt la guerre contre les Turcs ; que nous étions au temps de la sixième fiole ; que les Turcs seraient très-heureux dans cette guerre, et qu’ils attaqueraient la ville de Rome ; et qu’ensuite de cette victoire leur empire déclinerait et périrait, et que les sages de cette nation le croyaient ainsi[9]. On imprima un livre à Paris, l’an 1686, où l’on inséra quantité de prophéties funestes aux Orientaux[10], prononcées par l’abbé Joachim, par saint Nersès, patriarche des Arméniens, par saint Catal, évêque de Trente[11], par Saint-Ange, carme,

  1. Apud Leunclaviun, in fin. epist., fol. 844, citante Schulteto, ibid. Voyez l’article Torquato (Antoine), tom. XIV.
  2. Cedrenus, pag. 9515, apud Schultelum, pag. 22.
  3. Ibidem.
  4. Idem, ibid., pag. 21.
  5. Tom. II, pag. 884 et seq.
  6. Consider. Legis et Sectæ Sarracenorom, pag. 48.
  7. De futuris Christianorum Triomphis in Sarracenos. L’auteur l’appelle Magister Johannes Viterbiensis.
  8. Besoldus, Consider. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 48.
  9. Konig., Biblioth vet. et nova, pag. 90, ex epist. Lipsiâ scriptâ die 24 august. 1661.
  10. Voyez le Journal de Leipsic, mois de février 1683, pag. 81, dans l’Extrait du Théâtre de la Turquie, par le sieur Michel le Fèvre.
  11. S. Catalii episcopi Tridentini. Act. Lips., ibid. Il eût fallu dire S. Cataldi episcopi Tarentini.