Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T08.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
HÉRACLÉOTES.

chemin faisant je découvre à mon lecteur, que les controverses des stoïciens et des péripatéticiens sur la nature de la douleur, n’étaient qu’une dispute de mots. Ils convenaient les uns et les autres qu’il fallait la supporter courageusement ; mais les uns niaient qu’il fallût l’appeler un mal, et les autres soutenaient qu’il le fallait faire. Voilà bien de quoi se tant agiter ! Nous disputons aujourd’hui, et sur la théologie, et sur la philosophie, pour des choses où le malentendu n’est pas moins visible. Voici un autre passage de Cicéron : je le rapporterai tout entier, afin qu’on voie pleinement de quelle manière notre philosophe d’Héraclée raisonnait. Il présumait beaucoup des forces de la philosophie ; car il jugea que puisqu’elles étaient inférieures à celles de la douleur, il fallait que la douleur fût un mal. Homo sanè levis Heracleotes Dionysius, cùm à Zenone fortis esse didicisset, à dolore deductus est. Nam cùm ex renibus laboraret, ipso in ejulatu clamitabat, falsa esse illa, quæ antea de dolore ipse sensisset. Quem cum Cleanthes condiscipulus rogaret, quænam ratio eum de sententiâ deduxisset, respondit : Quia cùm tantum operæ philosophiæ dedissem, dolorem tamen ferre non possem, salis esset argumenti, malum esse dolorem. Plurimos autem annos in philosophiâ consumpsi, nec ferre possum : malum est igitur dolor. Tum Cleanthem, cùm pede terram percussisset, versum ex Epigonis ferunt dixisse :

Audisne hæc, Amphiaraë, sub terram abdite ?


Zenonem significabat : à quo illum degenerare dolebat [1].

(B) Il y en a qui disent qu’il fut débauché dès sa plus tendre jeunesse. ] Nous venons d’entendre qu’il avait philosophé plusieurs années selon les maximes austères du Portique ; c’est lui-même qui l’assure, si nous en croyons Cicéron. Que faudra-t-il donc penser du conte qu’on trouve dans Athénée ? Dirons-nous que cet auteur s’est diverti à ramasser toutes les histoires scandaleuses, vraies ou fausses, qu’il rencontrait dans les écrivains les plus satiriques ? J’en laisse la décision à mes lecteurs. Je leur mets seulement en note le grec d’Athénée, avec la version de Dalechamp [2], que l’on fera bien de rectifier selon les notes de Casaubon. Ceux qui se souviendront bien du septième livre d’Athénée, se détermineront aisément à l’avantage de Cicéron ; ils croiront que Denys ne se révolta contre les stoïques, qu’après avoir blanchi dans leur communion ; car Athénée lui donne le nom de vieillard au temps de cette révolte, et cite le railleur Timon, qui disait que ce personnage avait commencé à se consacrer au plaisir lorsque la saison en était passée. Il vaut mieux rapporter l’original : il est au VIe. chapitre du VIIe. livre d’Athénée, à la page 281. Περὶ δὲ Διονυσίου τοῦ Ἡρακλεώτου τί δεῖ καὶ λέγειν ; ὃς ἄντικρυς ἀποδὺς τὸν τῆς ἀρετῆς χιτῶνα ἀνθινα μετημϕιάσατο, καὶ Μεταθέμενος καλούμενος ἔχαιρε, καί τοι γεραιὸς ἀποςὰς τῶν τῆς ςοᾶς λόγων καὶ ἐπὶ τὸν Ἐπίκουρον μεταπηδήσας· περὶ οὗ οὐκ ἀχαρίτως ὁ Τίμων ἔϕη,

Ἡνίκ᾽ ἐχρῆν δύνειν, νῦν ἄρχεται ἡδύνεσθαι.
Ὥρη ἐρᾶν, ὥρη δὲ γαμεῖν, ὥρη δὲ πεπαῦσθαι.


Quid autem de Heracleote Dionysio attinet dicere ? Apertè quidem et palàm virtutis exutâ veste, cùm indumentum mutâsse et alienum sumpsisse criminarentur, gaudebat, quamvis jam natu grandis à stoïcorum scholâ defecisset, et transivisset ad Epicurum. De illo non invenustè Timon scripsit :

  1. Idem, Cicero, Tuscul. II, cap. XXV.
  2. Ἦν δὲ ὁ Διονύσιος ἔτι ἐκ νέου, ὥς ϕησι Νικίας ὁ Νικαεὺς ἐν ταῖς διαδοχαῖς, πρὸς τὰ Ἀϕροδίσια ἐκμανὴς, καὶ πρὸς τὰς δημοσίας εἰσῄει παιδίσκας ἀδιαϕόρως· καί ποτε πορευόμενος μετά τινῶν γνωρίμων, ὡς ἐγένετο κατὰ τὸ παιδισκεῖον εἰς ό τῇ προτεραίᾳ παρεληλυθὰς ὤϕειλε χαλκοῦς, ἔχων τότε κατὰ τύχην, ἐκτείνας τὴν χεῖρα πάντων ὁρώντων ἀπεδίδου. Fuit autem Dionysius ille, quod ait Niceas Nicœensis libro de Successionibus, jam ab adolescentiâ, tam immani furiosâque libidine percitus, ut sine discrimine cum plebeiis ancillis ac pedissequis coiret et aliquando cum familiaribus inambulans, ubi ad ancillarum ædes venit, quas pridiè ingressus aliquot obolos quos debebat non solverat, casu tum fortè in loculis habens, distentâ manu coram omnibus nurmeravit. Athen., lib. X, pag. 437.