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HENRI IV.

on en doute, on s’en peut éclaircir, et je ne suis pas marry que l’occasion se presente icy de le rapporter, tant afin d’en desabuser la posterité, que pour faire voir qu’il y a beaucoup de choses escrites de cette nature ausquelles on ne doit adjouster aucune creance.

Remarquez que M. Petit ne rapporte pas tout ceci avec autant de fidélité qu’il l’eût fallu. Il suppose que l’historien a débité que le roi fit cette réponse, la Brosse est un vieil fol d’astrologue : mais l’historien ne dit point cela ; car selon lui ce fut au duc de Vendôme que le roi dit, vous êtes un fou.

Produisons un second témoin avec sa réfutation. « Le soir du même couronnement, la Brosse, excellent médecin et mathématicien, dit au duc de Vendôme, que si le roi pouvait éviter un dangereux accident bien proche dont il était menacé, il vivrait encore trente ans : et le pria de le faire parler à sa majesté : mais le roi, entendant le sujet dont il le voulait entretenir, ne voulut point voir ni ouïr la Brosse[1]. » La réfutation de cela est contenue dans ces paroles du maréchal de Bassompierre[2] : Il est faux que la Brosse eût demandé à parler au roi ; mais, s’il l’eût fait, la réponse qu’il[3] a inventée eût été vraie, qu’il[4] eût méprisé de lui parler, car il le tenait pour un fou. On trouve dans un discours sur la mort de Henri IV, qui est imprimé à la fin des Mémoires du duc de Nevers, que M. le duc de Vendôme a dit à plusieurs personnes que la Brosse ne lui avait point parlé de cela.

(G) Il n’y a point d’apparence qu’il ait jamais conseillé au duc d’Alençon de se défaire de Catherine de Médicis. ] M. le Laboureur raconte que cette reine, voyant Charles IX proche de sa fin, craignit que M. le duc d’Alençon ne fût conseillé de prétendre à l’autorité, et même à la couronné au préjudice du roi de Pologne son frère. Elle ourdit sur cela le dessein formé d’une conjuration qui lui donnât sujet de s’assurer de sa personne et de celle du roi de Navarre. Elle les retint sous bonne garde au bois de Vincennes, jusques à la mort du roi, sans pourtant les déclarer prisonniers : cependant elle répandit partout le bruit de cette conspiration, pour laquelle elle fit arrêter les maréchaux de Montmorenci et de Cossé : et, pour lever tout sujet d’en douter, elle immola à cet intérêt d’état deux favoris du duc, la Molle et Coconnaz..…….. M. le duc d’Alencon lui-même trahit sa cause et ses domestiques dans l’apprehension qu’il eut ; et celui qui fit mieux le personnage d’un roi opprimé, mais incapable de démentir son caractère, fut Henri IV, lors roi de Navarre. Ce n’est pas qu’il ne crût qu’il était perdu ; et ce fut dans cette pensée qu’il fut accusé, selon que j’ai appris de quelques mémoires, d’avoir conseillé à monsieur de faire le malade pour obliger la reine à le venir voir, et sous prétexte de lui vouloir dire tous deux quelque chose en particulier, faire retirer ceux de sa suite et l’étrangler. Sa raison était celle de leur salut, l’occasion de la mort du roi prêt à expirer, le crédit que le temps donnerait à leurs amis, et que la même politique par laquelle et le renonçait aux lois de la nature et du sang ; pour faire périr son propre fils et son gendre, les dispensait pour une plus forte considération que n’était celle de régner, d’avoir horreur d’une action qui sauvait à l’état deux princes qui lui étaient nécessaires, par la mort de celle qui en troublait le repos et qui en causait la ruine. Il n’en eut pas le courage, non plus que la discrétion de le taire quelque temps après ; et c’est la cause de cette haine mortelle et implacable de Catherine de Médicis contre le roi de Navarre ; pour laquelle elle ne craignit pas d’être de la conspiration contre son propre fils Henri III et de brouiller l’état, quand elle le vit sans enfans, pour empêcher que Henri IV ne lui succédât, et pour mettre en sa place Henri duc de Lorraine, son petit-fils à cause de sa fille[5]. Selon ces mémoires Henri IV

  1. Dupleix, Hist. de Henri IV, pag. 411.
  2. Remarques sur Dupleix, pag. 172.
  3. C’est-à-dire, Dupleix.
  4. C’est-à-dire, Henri IV.
  5. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 381.