cédure exacte, l’on eût dû faire savoir au public, dans l’édition de Genève, pourquoi l’on rétablissait cela, c’est-à-dire que l’on aurait dû justifier, par de fortes preuves de fait, que le conseil du massacre s’était tenu à Saint-Cloud dans la même chambre où le jacobin tua Henri III. Mon édition de l’Inventaire de Jean de Serres est de Rouen, 1612 [1], et contient l’endroit que le procureur général avait fait ôter. M. de Mézerai suppose que les réflexions des huguenots descendaient dans un détail plus mystérieux. Ils écrivirent, dit-il [2], que le roi avoit esté blessé a mesme heure, à mesme jour, au mesme lieu, et dans la mesme chambre où il avoit conclud le massacre de la Saint Barthelemy. Il ne dit rien contre cela, il ne cite aucun auteur, il n’imite en rien Pierre Cayet. Cette mystérieuse remarque se trouve encore plus fortement dans un livre qu’on intitule Journal des choses mémorables advenues durant tout le règne de Henri III, roy de France et de Pologne, et que l’on a imprimé peut-être plus de vingt fois en Hollande, avec trois ou quatre pièces satiriques [3]. La dernière édition est de l’an 1699. Le Journal y est plus ample que dans l’édition de l’an 1693. Or voici ce que l’on trouve à la fin des additions [4] : Plus on recherche d’observations et de particularitez dans un si miraculeux accident [5], plus on y trouve de merveilles ; si qu’à la postérité cette mort leur sera une merveille remplie d’infinies merveilles ; entre lesquelles on a observé celle-ci comme très-digne de remarque, et cependant très-véritable ; c’est qu’au lieu même, au logis même, au jour même, à l’heure même, le roi revenant de ses affaires comme il faisoit quand il fut tué, le massacre de la Saint Barthelemy avoit été conclu, le pauvre roi dernier, qu’on appeloit lors Monsieur, présidoit au conseil, assavoir au bourg Saint-Cloud, au logis de Gondy, le premier jour d’août 1572, dans la même chambre et à la même heure, qui étoit à huit heures du matin, le déjûner, qui étoit de trois broches de perdreaux, attendant les conspirateurs de cette maudite action en bas. Notez que cette addition était superflue ; car tout ce qu’elle contient de considérable se voit dans les mêmes termes au Journal de Henri III, à l’édition de 1693 [6], et à celle de 1699 [7], et je crois aussi qu’on le trouve aux éditions précédentes.
Si l’on était assuré que ce Journal, tel que les libraires de Hollande l’ont publié, est l’ouvrage d’un catholique, l’on serait certain que les réflexions des protestans sur les circonstances de la mort de Henri III sont moins fortes que celles d’un écrivain de l’autre parti. Les trois auteurs protestans que Victor Cayet réfute ont renvié les uns sur les autres : le premier se contenta d’un on dit : le second ne fut pas content d’un mot si faible, il employa un on tient : le troisième s’exprima encore plus positivement. C’est ainsi que l’on en use ordinairement dans le débit des nouvelles : le dernier qui parle est presque toujours le plus décisif et le plus chargé de faits. Il semble qu’il s’agisse d’une emplette d’encan, où l’on enchérit. les uns sur les autres, parce que la marchandise n’est adjugée qu’au plus offrant et dernier enchérisseur. Mais quoi qu’il en soit le journaliste de Henri III va plus loin que les trois enchérisseurs protestans. Il donne le fait, non-seulement comme très-digne de remarque, mais aussi comme très-véritable. Le père Anselme [8] attribue ce Journal à M. Servin [* 1]. Cela ne s’accorde pas mal avec les lettres initiales dont on s’est servi dans les éditions du livre [9]. Mais M. Pélisson assu-
- ↑ * Servin publia, en 1621, la première édition de ce livre, qu’à cause de cela on lui a quelquefois attribué. Le véritable auteur est Pierre de l’Estoile. Ce n’est au reste qu’un extrait de son manuscrit qu’on a publié. L’édition la plus estimée est celle que donna Leduchat, 1744, cinq vol. in-8o.
- ↑ Il y a au titre : se vendent à Rouen, chez Étienne Véreul, dans la Cour du Palais.
- ↑ Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. m. 799.
- ↑ Le Divorce satirique ; les Amours du grand Alcandre ; la Confession catholique de Sancy ; Discours merveilleux de la Vie de Catherine de Médicis.
- ↑ Journal de Henri III, pag. 316, 317, édition de 1699.
- ↑ C’est-à-dire, la mort de Henri III.
- ↑ Pag. 129.
- ↑ Là même.
- ↑ Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 375.
- ↑ On voit au revers du titre ces paroles : Journal du Règne de Henri III, composé par