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IRNÉRIUS.

crédit. J’ai cinq propositions à faire à Messieurs d’Ipres : la 1re., que je suis venu en Flandre pour faire du bien à tout le monde ; la 2e. que le commandement que je leur fais de rendre la ville n’est pas impossible ; la 3e., qu’il est en leur pouvoir de mériter et de démériter mes bonnes grâces ; la 4e. que j’ai des secours avec moi plus que suffisans pour les faire obéir à mes ordres ; et la 5e., qu’en quelque nécessité qu’ils soient de se rendre, ils ne le feront qu’avec une entière liberté. Il s’agit donc, monsieur, de leur faire signer ces cinq propositions, qui renferment tout le traité de la grâce que j’ai à leur faire. Je ne crois pas qu’ils puissent éluder mes ordres par la distinction du droit et du fait, car, pour le droit, il y a si longtemps que je suis en possession de prendre des villes, que le temps seul pourrait me servir de prescription dans les Pays-Bas, quand je n’aurais pas d’ailleurs tant de droits incontestables. Ils ne peuvent donc se retrancher que sur le fait, et c’est de quoi je les veux convaincre par une trentaine de canons, auxquels je les défie de répondre efficacement, car ils percent toutes les difficultés à jour. Par là vous jugerez bien que je ne serai pas si long-temps à leur faire signer mes cinq propositions, que vous avez été à signer celles du pape. C’est pourquoi je vous donne ordre de convoquer le ban et l’arrière-ban des jansénistes, et de parler incessamment de Paris pour venir à leur tête chanter le Te Deum sur le tombeau de Jansénius, pour rendre grâces à Dieu de l’heureux succès de mes cinq propositions. Vous pourrez apporter pour le feu de joie une centaine d’exemplaires du Miroir de la Piété chrétienne, pour jeter ces bons Flamands dans un saint désespoir d’être à jamais à l’Espagne. Ensuite vous passerez en Angleterre, pour diriger la chambre basse, qui a de grandes indispositions d’esprit et de cœur à la paix. Au reste, je goûte fort votre politique, et plus encore votre argent, dont vous vous servez si avantageusement pour persuader aux gens tout ce que vous voulez. Avec cela je suis sûr que nous aurons la paix avec l’Angleterre et l’Espagne, avant que vous l’ayez avec les pères jésuites. Au camp devant Ipres, le 17 mars 1678. »

IRNÉRIUS [a], jurisconsulte allemand, vivait au XIIe. siècle. Il passe pour le premier qui ait renouvelé la profession du droit romain, interrompue depuis l’invasion des barbares. Il avait eu beaucoup de crédit en Italie, auprès de la princesse Mathilde, et ayant porté l’empereur Lothaire à ordonner que le Code et le Digeste fussent lus dans les écoles, il fut le premier qui exerça en Italie cette profession. Sa méthode fut de concilier les réponses des jurisconsultes et les lois qui paraissent contraires les unes aux autres. Il mourut environ l’an 1190 (A), et fut enterré à Bologne, ou il avait été professeur [b]. On pousse la chose plus loin ; car on dit que Lothaire, abrogeant toutes autres lois, ordonna que le droit de Justinien reprît son ancienne autorité dans le barreau (B). Le célèbre Calixte, professeur en théologie à Helmstad, a soutenu [c] que c’est un mensonge ; et il a été suivi en cela par le docte Conringius, son collègue [d]. Mais Bertold Nihusius écrivit pour l’opinion contraire [e], et mena rudement le doc-

  1. On le nomme aussi Wernérus ou Guarnérius.
  2. Ex Forstero, Hist. Juris civil. roman., lib. III, cap. VI.
  3. In libello de Morali theologiâ.
  4. Consultez la préface de son Origo Juris germanici, imprimée en 1643.
  5. Voyez l’écrit qu’il intitula Irnerius, et qu’il publia l’an 1642.