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HENRI II.

eux un funeste exemple. Elle maria ce neveu à Charlotte de Montmorenci, nièce de son mari, et laissa ses enfans héritiers de tous ses biens, et de l’hôtel d’Angoulême [1] qu’elle avait à Paris [2].

(Z) Quelques auteurs prétendent que par la curiosité que Clément VII eut de s’en informer, il trouva des preuves qui lui mirent l’esprit en repos. ] Je n’ai lu cela que dans M. Varillas. L’entrevue de sa sainteté, dit-il [3], et de sa majesté se fit à Marseille, et les noces du duc d’Orléans et de Catherine y furent célébrées avec beaucoup de magnificence. Comme l’époux n’avait que seize ans et l’épouse que treize, le roi, qui ne voulait point hasarder la santé de son fils, prétendait que l’on différât pour deux ou trois ans la consommation du mariage. Mais ce n’était pas là le compte du pape, qui craignait que s’il venait à mourir avant que le mariage de sa nièce fût achevé, on ne la renvoyât en Italie. Et de fait il ne fut content, dit Paul Jove, qu’après avoir vu des marques certaines que le mariage avait été consommé. Si Paul Jove a fait mention d’une telle circonstance, ce n’est point dans l’endroit de son Histoire où il parle de cette entrevue du pape et de François Ier. C’était pourtant le lieu le plus propre, et l’occasion la plus naturelle de toucher cette particularité, vu principalement que l’auteur n’oublia pas de marquer la grande jeunesse du duc d’Orléans, et de faire plusieurs autres observations, et de dire même que le mariage fut consommé la première nuit. Augebant suspicionem maturatæ nuptiæ, quæ impares regio sanguini viderentur. Siquidem nobilissimus adolescens Henricus, quanquam ætate tenerior, Catharinam celebratis insigni cerimoniâ nuptiis, ex virgine mulierem primâ nocte reddiderat [4]. J’avoue donc que l’on pourrait soupçonner M. Varillas de citer à faux le témoignage de Paul Jove. Ce qu’il dit que l’époux avait seize ans, et l’épouse treize, n’est point juste ; car il est sûr que Henri II naquit le 31 de mars 1519, et qu’il épousa Catherine de Médicis le 28 d’octobre 1533 [5]. Le père Anselme, qui met sa naissance au 31 de mars 1518, ajoute que ce fut avant Pâques, et par conséquent que cette année-là est 1519 selon le style moderne. Il dit aussi que Catherine naquit le 13 d’avril 1519. Gauric marque le même jour et la même année dans l’horoscope de cette dame. Il n’y avait donc que quatorze jours de différence entre l’âge du marié et l’âge de la mariée. M. de Sponde ne s’est guère moins trompé que Varillas puisqu’il a dit que Catherine n’avait que treize ans, et qu’Henri en avait quinze et sept mois [6].

(AA) Il forgea lui-même les armes qui aidèrent le plus efficacement ceux de la religion à se maintenir. ] Voyez ce que j’ai dit là-dessus dans la remarque (D), et joignez-y ce passage d’Étienne Pasquier [7]. « Nous veismes l’empereur Charles V faire la guerre aux Allemands ses vassaux, pour avoir embrassé l’hérésie.……… Ses affaires lui succedoient à propos ; au moyen dequoy ils implorerent nostre aide. Y avoit-il rien plus plausible en matière d’affaires d’estat, telle que le courtisan se figure, que de prendre leur faict en main, pour ne permettre qu’un grand prince s’agrandisse davantage à nos portes par la ruïne de tous les seigneurs d’Allemagne ? Mais aussi y avoit-il rien plus injuste, que de secourir un subject contre son seigneur naturel ? Et encores prendre la cause d’un hérétique, contre un empereur catholic, qui ne combattoit que pour l’honneur de Dieu et de son eglise ? Nostre roy estoit prince catholic, comme aussi les seigneurs qui avoient meilleure part en ses bonnes graces : ce nonobstant nous prenons la protection de l’héréti-

  1. Henri III lui donna les duchés d’Angoulême et de Châtelleraut, le comté de Ponthieu, et le gouvernement de Limosin. Le Laboureur, là même.
  2. Tiré des Additions de M. le Laboureur, là même.
  3. Varillas, préface du tom. V de l’Histoire de l’Hérésie, fol. **, troisième édition de Hollande.
  4. Jovius, Historiar. lib. XXXI, fol. 230, edit. Basil., 1555.
  5. Voyez les Fastes du père du Londel, pag. 23 et 34 ; et le père Anselme, Histoire généalogique, pag. 137 et 139.
  6. Spondanus, ad ann. 1533, num. 7.
  7. Pasquier, Lettres, liv. XV, pag. 218 du IIe. tome.