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HOTMAN.

175, où l’on trouve, 1o. que François Hotman s’appropria une épître dédicatoire que Sturmius avait composée ; 2o. qu’il louait alors les mêmes ouvrages de Duarénus, qu’il avait fort méprisés autrefois, en écrivant contre Rufus pour Dumoulin ; 3o. qu’un élégant maître de l’athéisme de Cicéron n’est pas propre à catéchiser. Noster magister latinitatis priùs quam de meis scriptionibus garriat, suarum, oblitus respondeat Sturmio et aliis à quibus accusatus est quòd suo nomine ediderit epistolam abs Sturmio scriptum, eamque Institutionibus præfixam tamquam suam vendiderit duci Saxoniæ… Oportet istius tui patroni incredibilem esse, non jam dicam, impudentiam quia latitat, sed nequitiam, cùm quidem posteàquam edito libello de sacerdotiis adversùs Ruffum pro Molineo, proscidit illos Beneficiarios Commentarios (Duareni) nunc eos se adorare fingat…… scilicet religionem nos docebit elegans magister Ciceronianæ ἀθεότητος[1] !

Je suis bien certain que tous mes lecteurs conviendront, en comparant ces passages de Baudouin avec celui de Théodore de Bèze, qu’on ne pouvait rien faire de plus désavantageux à Hotman, que de répondre ce que Bèze a répondu. Le silence aurait fait infiniment moins de tort. Pour comble d’infortune, il a fallu que Théodore de Bèze ait publié[2] une lettre de Sturmius, qui désavoue tout ce qu’on voudrait citer de lui comme désavantageux à Calvin et à Théodore de Bèze ; mais quant à François Hotman, rien de semblable.

Languet, véritable réfugié, parfaitement honnête homme, ayant vu les accusations de Sturmius contre Hotman, fit des réflexions fort sensées, et tout-à-fait dignes d’une bonne âme ; mais ce fut avec un cruel chagrin de ce que ses compatriotes se comportaient si lâchement en Allemagne, et que des personnes, qui sous prétexte de religion ne cherchaient qu’à satisfaire leur vanité, faisaient plus de tort à la religion protestante que le roi d’Espagne et que le pape. Il n’ose pas croire néanmoins qu’Hotman eût pu s’oublier assez pour se porter à de telles infamies. Rapportons ses paroles : Hæc sunt levia si conferantur cum turpibus factis nostrorum hominum in Germaniâ, et quidem eorum qui ornati sunt eruditione, et religionis specie, insinuârunt se in amicitiam bonorum virorum, qui ipsis summa beneficia exhibuerunt. Ut alios omittam, nuper vidi accusationem Sturmii adversùs Hottomannum, quæ, si vera est, miseret me Sturmii, et pudet alterius ; sed talia sunt, ut mihi videamur vix posse venire in mentem erudito viro. Quidam mecum egerunt, ut ipsius accusutionis capita ad te perscriberem ; sed à talibus ministeriis ego planè abhorreo, cùm præsertim sciam, te nec voluptatem nec utilitatem ex iis percipere posse, et ad me nihil pertineant, nisi fortè infamiæ pars in me redundet, eo quòd à nostris hominibus talia perpetrentur in ipsâ Germaniâ. Hæc sane tanto dolore me afficiunt, ut nesciam an ex ullâ re majorem unquàm senserim. Video ubique eorum ambitionem, qui prætextu religionis sua quærunt, magis obesse ipsius religionis progressui, quàm pontificem Rom. regem Hispaniæ, et omnes ipsorum ministros. Sed de re odiosâ nimis multa scribo[3]. La lettre d’où je tire ces paroles est datée de Paris, le 11 de décembre 1561. Une autre de ses lettres, datée de la même ville le 23 de janvier 1562, nous apprend que le duc de Guise, qui était allé trouver à Saverne l’évêque de Strasbourg[4], avait intenté un procès à François Hotman pour des libelles diffamatoires, et que plusieurs personnes soutenaient qu’en conséquence de cela il avait fait ce voyage. Languet ne pouvait croire qu’un motif de si petite conséquence eût obligé le duc de Guise à s’en aller à Saverne ; mais je ne doute point qu’il ne jugeât qu’il était honteux à Hotman de se voir mis en justice comme un faiseur de libelles.

(O) Je dirai un mot touchant l’auteur de la Vie de François Hotman. ] Son nom latin, Petrus Neveletus Doschius, signifie Pierre Nevelet, seigneur

  1. Balduini Respons. altera ad J. Calvinum, pag. 175.
  2. Beza, Respons. ad Balduin., Oper. tom. II, pag. 234.
  3. Languet, epist. LXIV, lib. II, pag. 186, 187.
  4. Idem, ibid. epist. LXVII, pag. 197.