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HOTMAN.

ne s’agit rien moins que de cela dans ce traité de François Hotman. Le sieur Deckher[1] y a été trompé par M. de Thou ; mais il y a fait une faute de son chef : il veut que ce docte jurisconsulte se soit exilé de France à cause de cet écrit. C’est un mensonge. Hotman quitta la France en l’année 1572, bien résolu de n’y remettre jamais le pied[2]. Le Brutum fulmen parut l’an 1585, comme le remarque le sieur Deckher contre Goldast, qui a renvoyé l’édition à l’an 1586. Je n’ai rien dit du traité de regno vulvarum [* 1], que d’Aubigné attribue à notre Hotman, au chapitre III du 1er. livre de la Confession de Sanci : je ne sais ce que c’est.

(H) On a cru qu’il était l’auteur des Vindiciæ contra Tyrannos. ] Lorsque je parlai de cet ouvrage dans le projet de ce Dictionnaire, je dis[3] que l’erreur de ceux qui attribuèrent à François Hotman l’écrit de Junius Brutus était petite. Hotman, continuai-je, « était sorti de France pour la religion, et quoiqu’il ne fût pas aux termes de ces personnes qui fuient la persécution, aussi enflammées de menaces et de tuerie[4] que les persécuteurs mêmes, il ne laissa pas de gronder et de murmurer dans sa retraite. Il fit un livre intitulé Franco-Gallia, pour montrer que la monarchie française n’est pas ce qu’on pense, et que de droit les peuples y sont les véritables souverains. Voilà ce qui fit croire qu’il avait aussi composé l’ouvrage de Junius Brutus, outre que l’on y voit parsemées beaucoup de maximes de la Franco-Gallia. Barclai n’attaque que celle dernière raison, qui lui paraît assez plausible, et il prétend la renverser par quelque chose de plus plausible encore ; c’est, dit-il[5], que Brutus se sert de diverses preuves qu’Hotman avait sifflées et réfutées, et qu’il tombe dans des erreurs si puériles à l’égard du droit civil, qu’on ne voit pas qu’un homme tel qu’Hotman en soit capable. Cela est plus obligeant pour ce docte jurisconsulte, que ce qu’en a dit Boéclérus. Je voudrais, dit-il, qu’Hotman n’eût pas si opiniâtrement voulu paraître entre les auteurs qui sonnent le tocsin contre les rois, et qui, de leur autorité privée, les convertissent en tyrans, par des chicaneries qui dépravent non-seulement la bonne philosophie, mais aussi l’Écriture Sainte. Je voudrais qu’il n’eût pas montré

  1. (*) L’épigramme suivante courut environ l’année 1561[★ 1], à propos de ce qu’en ce temps-là une grande partie des états de l’Europe étaient régis, ou du moins administrés par des femmes.

    Vulva regit Scotos[a], hæres[b] tenet illa Britannos,
    Flandros et Batavos nunc notha vulva[c] regit.
    Vulva regit populos quos signat Gallia portu[d],
    Et fortes Gallos Itala vulva regit[e].
    His furiam furiis, vulvam conjungite vulvis,
    Sic natura capax omnia regna capit.
    Ad medicem[★ 2] artem incertam Gallia saucia tendit[★ 3].
    Non uti medicis est medicina tibi.
    Non credas medicis, venâ qui sanguinis haustâ
    Conantur vires debilitare tuas.
    Ut regi, matrique suæ sis fida Deoque,
    Utere consilio Gallia docta meo,
    Et pacem tu inter proceres non ponito bellum,
    Hospita[f] lis artus rodit agitque tuos.

    Ce pourrait bien être là le prétendu livre de regno vulvarum, attribué par d’Aubigné à François Hotman. Ce jurisconsulte était poète latin, et sa Franco-Gallia, qu’il publia à quelques douze ou treize ans de là, témoigne qu’il n’approuvait pas que les femmes se mêlassent du gouvernement. Rem. crit.

    1. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. I, pag. 773.
    2. Medicam.
    3. Tendis.
    1. Marie Stuart.
    2. Elisabeth d’Angleterre.
    3. Marguerite, fille naturelle de l’empereur Charles V, duchesse de Parme.
    4. Catherine d’Autriche, sœur de Charles V, veuve de Jean III, roi de Portugal, et régente pendant la minorité de Sébastien, son fils.
    5. Catherine de Médicis.
    6. Allusion sur le nom du chancelier de l’Hospital, à qui Catherine de Médicis était principalement obligée de la régence. Notes sur la Rem. crit.

  1. De Scriptis Adespotis, p. 84, edit. 1686.
  2. Neque unquàm posteà induci potuit, ut in patriâ consistendum sibi judicaret : non Andegavensis ipsius ducis litteris inflexus, non promissis, non denique cùm ab eo magister supplicum apud se libellorum dictus esset : hoc sæpè usurpans : Frustra Neptunum accusat, iterùm qui naufragium facit. Nevelet., in Vitâ Hottomanni, pag. 221.
  3. Pag. 90.
  4. Ἐμπνέων ἀπειλῆς καὶ ϕόνον, dit l’écriture aux Actes des Apôtres, chap. IX, vs. 1, touchant Saul.
  5. Barclai ; lib. III contra Monarchomachos, cap. I, pag. 311.